À la recherche des bijoux forestiers

L’Agence Chaudière travaille à repérer les forêts exceptionnelles pour sensibiliser les propriétaires à leur importance.

L’histoire de la colonisation de la Beauce est intimement liée à l’industrie du bois. Le 19e siècle a vu les camps de bûcherons bourgeonner le long de la vallée. Ils ont ouvert la voie aux agriculteurs, leur permettant de défricher de plus en plus au sud. Les billots ont ainsi glissé par milliers sur l’eau de la rivière jusqu’aux moulins Atkinsons ou Breakey.

Parmi les espèces les plus prisées, on retrouvait le pin blanc, une essence des plus recherchées pour la construction de navires. Des hectares complets de pins blancs peuplaient autrefois les vieilles collines des Appalaches.

Aujourd’hui, leurs troncs effilés sont moins nombreux à percer la canopée vers le ciel.

Découverte inespérée

Bérénice Doyon et Karol-Ann Fortier-Guay de l’Agence régionale de mise en valeur des forêts privées de la Chaudière (ARFPC), étaient plus qu’heureuses de trouver une pinède (forêt de pin blanc) cet automne.

Située près de la rivière Calway, à Saint-Joseph-de-Beauce, cette forêt est l’une des dernières traces de ce milieu naturel. Plusieurs de ces arbres immenses ont plus de cent ans. Des chicots (bois morts) énormes tapissent le sol. On appelle cet endroit une forêt refuge. Elle abrite des espèces rares, dont on craint leur disparition régionale.

Depuis le printemps 2017, l’ARFPC travaille à repérer et identifier les écosystèmes forestiers exceptionnels (EFE).

Témoin écologique

Les EFE, on en compte trois types. Il y a les forêts anciennes, qui n’ont subi aucune perturbation humaine ou naturelle récente. On retrouve aussi les forêts rares. Ce sont des milieux écologiques peu communs pour une région donnée. En Beauce, les forêts rares peuvent être des prucheraies, des pinèdes et des hêtraies. Finalement, il y a les forêts refuges, comme la forêt de pins blancs de Saint-Joseph.

Karol-Ann Fortier-Guay mesure les pins blancs afin d’évaluer la forêt de Saint-Joseph-de-Beauce.

Pourquoi inventorier ces forêts?

«La propriétaire de la pinède a vécu là toute sa vie à cet endroit. Elle ne s’était pas rendu compte du caractère exceptionnel de sa forêt. À l’échelle régionale, elle est l’une des seules. C’est un moyen de leur montrer la rareté d’un peuplement», explique Bérénice Doyon, biologiste à l’Agence Chaudière.

Au terme du projet de l’ARFPC, sur une base volontaire, les propriétaires d’EFE ont l’opportunité de signer une entente de conservation. «C’est un statut de protection qui est reconnu, mais qui n’a pas de valeur légale. Les propriétaires restent maîtres chez eux, mais ça crée aussi un sentiment d’appartenance fort [avec leur forêt]», montre la biologiste.

Ces ententes sont courantes avec les propriétaires de milieux humides. L’ARFPC signe ces déclarations depuis une quinzaine d’années et la majorité de ces écosystèmes ont conservé leur intégrité, parfois autant qu’un parc ou une réserve naturelle.

La grosseur du bois mort aide à départager les forêts exceptionnelles des autres.

Il n’y a pas d’avantages fiscaux ou financiers liés à cette entente. Les propriétaires d’EFE pourraient aller plus loin et obtenir la reconnaissance de «réserve naturelle» auprès du gouvernement, mais il s’agit d’une démarche très engageante.

Témoignage précolonial

L’agence Chaudière a effectué plusieurs recherches sur le terrain à l’automne 2017. Lors de leurs visites, seulement deux ou trois sites ont été retenus et cinq autres discrédités.

La Beauce a perdu beaucoup de forêts primaires dues à l’exploitation. Bérénice Doyon estime important de conserver certains petits îlots résiduels comme témoin écologique d’avant notre passage.

Les forestiers sont invités à communiquer avec l’Agence Chaudière s’ils pensent posséder une forêt exceptionnelle. La Fondation de la faune du Québec finance le projet de deux ans qui se poursuit en 2018.

«Notre défi est d’en trouver d’autres sur le territoire. Les meilleurs intervenants pour nous aider sont les propriétaires eux-mêmes. Ne serait-ce qu’en discutant avec eux», dit Mme Doyon.