Directeurs généraux d’expérience en Beauce: une denrée rare pour plusieurs petites municipalités

EMPLOI. Le nombre de directeurs généraux avec plus de dix ans d’années d’expérience pourrait se compter sur les doigts d’une main parmi les 37 municipalités de la Beauce. Malgré l’inexpérience de plusieurs, le rôle des directeurs généraux a beaucoup changé au fil des ans, surtout dans les municipalités de 5000 habitants et moins, où le nombre de tâches connexes a augmenté, entre autres, en raison de la pénurie de main-d’œuvre également présente dans le domaine municipal.

Autant le directeur général de la MRC Beauce-Sartigan, Éric Paquet, que Jacques Bussières, son homologue de la MRC de Beauce-Centre, ont constaté un important taux de roulement au cours des dernières années. Les principales raisons évoquées pour expliquer ces départs sont la retraite, le changement de carrière et le vol d’effectifs entre les municipalités. « On ne peut rien y faire [concernant les raisons de changement de carrière et le vol d’effectifs]. Les gens sont libres d’améliorer leurs conditions de travail », mentionne M. Paquet.

« Le taux de roulement est présentement beaucoup trop élevé partout au Québec. Éric Paquet m’indiquait que lui, depuis la dernière élection, les trois quarts des directeurs généraux ont changé. Dans -Beauce-Centre, c’est plus stable qu’ailleurs. En deux ans, il y a Saint-Victor et Saint-Joseph qui ont changé deux fois », précise de son côté M. Bussières.

Selon des statistiques fournies par l’Association des directeurs généraux du Québec (ADMQ), 670 gestionnaires municipaux ont quitté leur poste entre 2019 et 2022. D’ici cinq ans, 340 directeurs généraux prévoient prendre leur retraite. « En moins de dix ans, une très grande majorité des municipalités auront perdu leur directeur général », explique Marc-André Palin, directeur général de l’ADMQ. Une étude de l’association a également évalué à 57 h de travail par semaine que devrait effectuer un directeur général pour compléter l’ensemble de ses obligations légales et réglementaires à la fin de l’année.

Un rôle de plus en plus complexe

Les trois intervenants sont convaincus que les responsabilités des directeurs généraux ne cessent de se complexifier au fil des ans. « Il y a vingt ans quand j’ai commencé, on n’avait pas à s’occuper de l’immigration, de l’itinérance et de la crise du logement. Beaucoup de dossiers ont été transférés dans la cour des municipalités et ça crée une surcharge de travail dans certaines municipalités », d’expliquer M. Paquet. Selon M. Palin, un directeur général doit minimalement connaître une base de 42 lois municipales et maîtriser une douzaine de champs d’expertise.

Si leur rôle est principalement de coordonner et gérer les différents dossiers, certains directeurs généraux doivent également être trésoriers et greffiers en plus de s’occuper entre autres des communications et des ressources humaines dans les plus petites municipalités. La pression des élus et des citoyens rend également le travail des directeurs généraux beaucoup plus difficile que dans le passé, surtout avec la popularité montante de l’opinion sur les médias sociaux.

« Ça ne prend pas un parcours scolaire type pour devenir directeur général, c’est surtout de bonnes aptitudes mentales, dire non quand c’est le temps, être curieux et surtout être ingénieux. […] Un directeur général, c’est un généraliste. Je ne suis pas bon dans rien, mais je me débrouille bien dans tout. Ce n’est pas inné chez personne, ça se travaille sur du long terme », illustrent MM. Paquet et Bussières. Ce dernier ajoute que pour le fonctionnement adéquat d’une municipalité, il doit y avoir une bonne entente entre les élus et les employés municipaux.

Solutions possibles ?

L’ADMQ a dernièrement transmis une liste d’une vingtaine de solutions possibles au ministère des Affaires municipales et de l’Habitation afin d’alléger la charge de travail des directeurs généraux et combattre la pénurie de main-d’œuvre. Du lot, une solution semble faire l’unanimité et a été mise de l’avant par les trois intervenants, soit de mettre en commun certains services administratifs et même de fusionner différentes municipalités à plus long terme.

Certaines localités se partagent déjà quelques services. C’est entre autres le cas dans les domaines des loisirs et des services de sécurité incendie. Les MRC essaient le plus possible de ne pas dupliquer un service qui pourrait servir dans différentes municipalités. À l’interne, les MRC offrent également de l’accompagnement personnalisé. Elles possèdent différents professionnels en urbanisme, en aménagement et en inspection, qui peuvent être utiles au besoin dans des dossiers plus complexes.

« J’ai beaucoup de respect pour les gens qui par passion, par défi personnel ou pour redonner, s’embarquent dans la gestion municipale. C’est très exigeant. Travailler dans le municipal, c’est de moins en moins glorieux. On joue un rôle ingrat, mais il y a beaucoup de plaisir et de fierté à retirer quand on inaugure un projet, et ce même si l’on n’est pas en avant-plan », conclut M. Paquet.