La compagnie A. Setlakwe Ltée fermera ses portes après 120 ans d’histoire
AFFAIRES. Après 120 ans d’histoire, la compagnie A. Setlakwe Ltée cessera définitivement ses activités au cours des prochaines semaines, entraînant la fermeture de ses magasins Setlakwe Mode situés à Thetford Mines, Disraeli et Sainte-Marie, des boutiques Silhouette Lingerie de Victoriaville, Saint-Georges et des Galeries de la Capitale à Québec, ainsi que la perte de 125 emplois. La date de fermeture a été fixée au 15 juin prochain.
Les succursales Silhouette Lingerie de Sherbrooke, de Place Ste-Foy et du Carrefour Charlesbourg seront quant à elles rachetées par Lilianne Lingerie, qui les exploitera sous sa propre bannière. Une quinzaine de personnes conserveront leur poste dans ces établissements.
Cette décision n’a pas été prise de gaieté de cœur par l’entreprise qui, comme plusieurs commerces du secteur du détail, a dû faire face à des défis importants dans les dernières années, notamment la pandémie, l’inflation, l’incertitude économique ainsi que la compétition déloyale des plateformes de vente étrangères. La compagnie a indiqué que malgré tous ses efforts pour traverser ces périodes difficiles, elle s’est vue dans l’obligation de mettre fin à cette aventure historique.
« Le commerce de détail est en train de vivre des changements majeurs avec l’évolution des habitudes de consommation et la montée du commerce en ligne. Il y a des géants du Web qui prennent des parts de marché. À cela s’ajoute l’inflation, qui a réduit le pouvoir d’achat des consommateurs, ce qui crée un contexte économique très défavorable actuellement. La pandémie nous avait déjà fragilisés il y a quelques années et nous sommes encore en train de rembourser les aides que nous avions eues pour passer au travers », a expliqué la présidente et principale actionnaire de A. Setlakwe Ltée, Margo Setlakwe Blouin.
Seulement au cours de la dernière année, le chiffre d’affaires de l’entreprise s’est écroulé de 11 %, ce qui ne lui permettait pas d’entrevoir la possibilité de poursuivre ses activités, notamment en raison des prévisions économiques défavorables.
« Nous nous étions numérisés et nous avions eu des années plus prospères à la suite de la pandémie, mais c’est vraiment le contexte économique qui est venu changer la donne. Les gens ont moins d’argent et ils sont plus tentés de se tourner vers le fast fashion (la mode express). Je ne blâme pas les consommateurs puisqu’ils travaillent pour leur portefeuille et c’est normal. Je ne veux surtout pas que les gens se sentent coupables ou responsables de la fermeture. Nous sommes dans un contexte économique global, hors de notre contrôle », a affirmé Mme Setlakwe Blouin.
Une décision émotive
Il va sans dire que la décision de mettre fin aux activités a été émotive pour la famille Setlakwe. L’essentiel pour la compagnie, à présent, est que le processus de fermeture se passe le mieux possible. « Nous ne voulions pas que les gens arrivent un matin devant des portes barrées. Nous voulions leur donner un délai pour qu’ils aient le temps d’utiliser leurs chèques cadeaux et pour que les membres du personnel puissent voir ce qu’ils vont faire par la suite. Nous procéderons aussi à la liquidation des actifs. C’est pourquoi nous avons choisi la date du 15 juin », a soutenu Margo Setlakwe Blouin.
À noter que le site Web demeurera accessible pour une période, mais les ventes en ligne seront arrêtées. La liquidation de l’inventaire se fera exclusivement en magasin.
La compagnie souhaitait par ailleurs exprimer sa profonde gratitude à ses clients qui l’ont accompagnée à travers les décennies et qui ont fait de A. Setlakwe Ltée bien plus qu’un simple commerce, mais une véritable institution locale. « Nous voulons les remercier parce que 120 ans d’histoire, ça ne se fait pas tout seul. Avec tout ce que nous vivons en ce moment, nous commençons déjà à recevoir une belle vague d’amour par rapport à ce que nous avons représenté dans la région et à ce que nous avons été en mesure de fournir comme services de qualité. C’est regrettable de devoir tourner la page de cette manière, mais c’est grâce à la fidélité de notre clientèle que nous avons pu durer aussi longtemps et probablement même au-delà de ce qui aurait été possible autrement », a souligné la présidente.
Elle tenait également à remercier les employés, passés et présents, pour leur engagement, leur dévouement et leur soutien indéfectible. « Leur travail et leur passion ont été au cœur de notre succès et nous leur en serons toujours reconnaissants. »
Enfin, sur le plan personnel, Margo Setlakwe Blouin ne s’est pas encore arrêtée afin de penser à la suite, consacrant toute son énergie au processus de fermeture. « Ma priorité, en ce moment, c’est de trouver une place pour chacun de nos employés. L’ambiance ici a toujours été très familiale et plusieurs me disent qu’ils ne perdent pas seulement un emploi, mais une famille. C’est l’aspect le plus difficile de ce que nous traversons actuellement. Je suis aussi engagée dans la liquidation des actifs et il est important pour moi que les choses soient faites correctement, malgré la fermeture, parce que je resterai une citoyenne de Thetford Mines. »
Plus de 120 ans d’histoire
La Maison A. Setlakwe fut fondée en 1904 dès l’arrivée au Canada de M. Aziz Setlakwe, originaire de l’Arménie. Après avoir quitté son pays natal, il procède à l’ouverture d’un commerce ambulant à partir du petit village de Disraeli. Deux ans plus tard, il implante à Thetford Mines son premier magasin spécialisé en mode masculine et féminine. Plusieurs agrandissements et rénovations marqueront l’expansion de l’entreprise.
En 1937, alors que Calil, le fils du fondateur, prend la direction des affaires, Setlakwe inaugure un nouvel édifice au centre-ville de Thetford Mines qui sera agrandi en 1958. La croissance se poursuit avec l’ouverture de succursales à Disraeli la même année, puis à Sainte-Marie-de-Beauce en 1965.
En 1970, une troisième génération prend la relève. Raymond Setlakwe est nommé à la présidence de la compagnie. Secondé par son frère Richard, il fait l’acquisition de la chaîne de boutiques Lilianne, spécialisée en lingerie féminine. Il la revend en 1974 pour créer la division Silhouette.
Dans les années 1980, des membres de la quatrième génération, Louise et Ann, les filles de Raymond, se joignent à l’entreprise pour s’occuper des achats. La même année, Setlakwe fait l’acquisition de Saint-Hilaire Inc., une société d’importation et de distribution de vêtements et de lingerie fondée en 1922 et dirigée par Robert, le fils de Raymond.
En 2005, la Maison A. Setlakwe sera dirigée par la quatrième génération, plus précisément par Andrew, le fils de Richard.
En 2018, Margo Setlakwe Blouin, qui représente la cinquième génération, est nommée présidente de l’entreprise qui compte plus de 165 employés. Elle est devenue en 2023 actionnaire principale de la société.
L’entreprise A. Setlakwe Ltée avait célébré en 2024 son 120e anniversaire de fondation.