Deux ans en arrière
Ce vendredi 31 mai prendra fin l’entente sur l’accessibilité des médecins de famille. Depuis sa création il y a deux ans, l’initiative a permis à 950 000 patients orphelins partout au Québec (92 000 en Chaudière-Appalaches) de rencontrer un médecin.
« Le ministère de la Santé et des Services sociaux et la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) s’étaient engagés à accueillir 250 000 patients orphelins pour le 31 juillet 2022. Nous en avons accepté 375 000 au 31 décembre 2022, 500 000 au 31 mars 2023 et aujourd’hui, nous sommes rendus à 950 000. Ça a eu un très beau succès », a soulevé Yvan Mathieu, président de l’Association des médecins omnipraticiens de la Côte-du-Sud.
Il faut savoir que selon les termes de l’entente, entre autres, chaque plage horaire accordée à un patient orphelin (lequel est d’abord passé par le GAP, soit le Guichet d’accès à la première ligne) offrait un montant forfaitaire de 120 $ au médecin. La somme venait contrebalancer la nouvelle charge de travail, de même que le personnel qu’il a fallu embaucher pour encaisser le surplus de services offerts. En ce qui a trait au Centre médical de La Nouvelle-Beauce, ceci représente notamment des heures supplémentaires pour une infirmière et l’embauche de deux autres.
« L’entente amenait une nouvelle façon de faire, et possiblement un nouveau modèle d’organisation. C’était une belle piste de solution pour que tout le monde ait accès à un médecin de famille. […] Il n’y a pas eu de négociation, alors que ça fait deux ans qu’on est sur cette entente-là », se questionne Dr Mathieu, en soulignant tout le travail réalisé en étroite collaboration avec les autres professionnels de la santé.
Qui plus est, sachant pertinemment que 25 % des médecins de famille québécois sont âgés de plus de 60 ans et qu’il manque actuellement quelque 1500 médecins partout en province, le temps est bien mal choisi à son avis pour mettre des bâtons dans les roues des médecins.
« C’est important que ça se règle rapidement, car les médecins peuvent perdre la confiance qu’ils ont envers le gouvernement… C’est en ayant une première ligne forte qu’on peut avoir un bon système de santé. »
Dans le même ordre d’idées, Yvan Mathieu a déploré le fait que le conseil d’administration de la nouvelle agence Santé Québec ne compte aucun médecin de famille, tandis que le projet de loi 11 (modifiant l’accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée) vient jouer sur l’autonomie des médecins. « Plutôt que d’ajouter des règlements, il faut écouter la base et donner du service »,a-t-il soufflé, en promettant que le suivi des soins débutés sera assuré.
Clinique médicale Saint-Gédéon
Selon Dre Patricia Caron, médecin de famille à la clinique médicale de Saint-Gédéon (fait partie du GMF de Beauceville), l’entente permettait de faire un pas vers un nouveau modèle d’organisation – prise en charge de patients par un groupe de médecins – de la première ligne. Elle voit la fin de cette entente comme une catastrophe.
« Je ne comprends pas que, de façon unilatérale, le ministre cesse l’entente. Pour la première fois depuis des années, en première ligne, on a réussi à augmenter l’accès et la pertinence des rendez-vous médicaux. Cette entente permettait d’offrir un bassin de services dans une équipe médicale selon le besoin du moment du patient », explique Dre Caron, qui est aussi vice-présidente de l’AMOCS (Association des médecins omnipraticiens de la Côte-Sud), coordonnatrice médicale du GAP CISSS-CA et coordonnatrice médicale locale secteur Beauce. Dans les réseaux locaux de services Beauce-Sartigan et Robert-Cliche, 3375 patients étaient inscrits collectivement.
Coop santé -Robert-Cliche
« Tout avait été mis en place depuis un an pour avoir une belle accessibilité pour ces gens-là, et là, du jour au lendemain, on apprend que c’est terminé », est déçue Marie-Claude Vachon, directrice générale de la Coopérative de santé Robert-Cliche.
De son côté, ses 13 médecins ont pu accueillir 1000 patients orphelins grâce à cette entente, sans oublier l’ajout d’une infirmière dans leurs rangs. En outre, Mme Vachon n’est pas sans savoir que bon nombre de ces personnes n’avaient pas vu de médecin depuis fort longtemps.
« Leur faire un bilan de santé, ce n’était que positif, mais maintenant, on ne peut plus les voir. On avait trouvé une bonne méthode. Le gouvernement prend la population en otage. On espère vraiment qu’il réalise qu’il est en train de faire une erreur. […] D’autant plus que les gens ne l’ont pas su et que c’est à nous d’annoncer la mauvaise nouvelle », dit-elle, piquée par le fait que les médecins n’ont aucun pouvoir de décision dans tous ces changements.
Pendant ce temps, le député de Beauce-Nord, Luc Provençal, a mentionné que des discussions sont toujours en cours. « Regardons ce qui se passe », dit-il. Néanmoins, M. Provençal a émis une petite réserve quant à l’intérêt des médecins. « Ça a pris un incitatif financier pour réussir à inscrire des patients. Doit-il toujours y avoir un incitatif ? C’est la question qu’on peut se poser. »
La FMOQ serait à la recherche d’un médiateur, mais celui-ci n’aurait pas encore été trouvé au moment d’écrire ces lignes.
* Avec la collaboration de Marie-Édith Roy