Guerre commerciale : l’industrie du camionnage se serre les coudes
Les camionneurs se trouvent aux premières loges du conflit commercial opposant le Canada et les États-Unis. L’Association du camionnage du Québec (ACQ) partageait déjà ses inquiétudes le 27 novembre dernier, après les premières déclarations de Donald Trump sur l’imposition de tarifs douaniers.
Son président-directeur général, Marc Cadieux, rappelait alors l’importance des flux de marchandises transitant entre les deux pays. L’ACQ maintient le cap aujourd’hui, insistant sur les risques de ralentissements sur l’ensemble de la chaîne logistique canadienne.
« Plus de la moitié des exportations canadiennes vers les États-Unis passent par les camions. On parle de milliards de dollars pour notre économie. […] Il y a toujours eu une forme de protectionnisme avec le Buy American Act, mais ces tarifs-là causeraient d’énormes problèmes », dit M. Cadieux.
Laurent Turcotte, directeur général de Transport LFL à Vallée-Jonction, siège sur le conseil d’administration de l’ACQ comme membre relève. Une grande partie de ses clients envoient des marchandises en sol américain.
« On parle surtout d’aliments périssables pour les états du nord-est. Nous avons aussi des clients américains qui envoient des marchandises au Québec. Eux-mêmes disent que ces tarifs n’ont aucun sens », confirme celui-ci.
Plus d’échanges entre les provinces ?
Chez Transport LFL, on conserve le statu quo jusqu’à nouvel ordre, étant donné l’humeur changeante du président américain.
« C’est difficile de planifier quand tout peut changer rapidement du jour au lendemain. Nos clients restent business as usual, même si le levier (économique) n’est pas vraiment de notre bord », mentionne M. Turcotte.
Dans ce contexte, l’ACQ prône l’allègement des réglementations de transport de marchandises entre les provinces, ainsi qu’une abolition rapide de la taxe carbone. « La réalité reste incontrôlable du côté américain. On ne veut pas qu’ici, les gens se retrouvent devant des tablettes vides », affirme Marc Cadieux.
Cependant, la baisse des camions exportateurs mènerait à une plus grande concurrence des compagnies de transport ici. Transport LFL, avec sa centaine d’employés et ses trois terminaux (Vallée-Jonction, Trois-Rivières, Boucherville) serait capable de s’adapter selon son directeur général.
« Nous sommes polyvalents dans nos offres de services, mais pour d’autres compagnies, ça signifierait un possible arrêt de mort », indique Laurent Turcotte, qui comprend les mouvements prônant l’achat local et le boycottage des produits américains.
Dommages collatéraux
Ces problèmes, dans l’industrie du camionnage, auraient des impacts collatéraux. Chez Manac, entreprise fabriquant des semi-remorques sur mesure et spécialisées, Charles Dutil, président et chef de la direction, demeure philosophe.
« Le Canada devra riposter adéquatement (aux tarifs douaniers américains). Ça peut être par des contre tarifs sur les produits finis, mais pas sur l’acier et l’aluminium (venant des États-Unis). Une partie de nos remorques sont fabriquées avec ces produits », rappelle-t-il, ajoutant que Manac possède également une usine de production au Missouri.
Manac, entreprise fondée à Saint-Georges en 1966, a traversé de nombreux soubresauts économiques. Charles Dutil compare le contexte actuel à l’arrivée d’une tempête de neige. « On sait que ça s’en vient, sans savoir la date précise et ce qu’on va pelleter. Ça ne sert à rien de prévoir des paquets de scénarios. On réagira rapidement le temps venu », conclut l’homme d’affaires.