Guerre commerciale : qu’en pensent les entrepreneurs beaucerons ?

L’Éclaireur Progrès a rencontré les entrepreneurs beaucerons Marc Dutil (Canam), Nicolas Blais (Beauce Atlas) et Richard Duval (Tapis Venture) afin de recueillir leurs commentaires sur la guerre commerciale déclenchée par l’administration américaine.

Les politiciens fédéraux et provinciaux se sont prononcés depuis la menace d’imposer des tarifs douaniers de 25 % sur les produits canadiens, par le président des États-Unis, Donald Trump.

Mais qu’en pensent les principaux concernés : les entrepreneurs d’ici ! Quels seront les impacts réels sur eux ? Ont-ils des solutions à offrir ? Comment traverseront-ils cet ouragan ? Y aura-t-il une vague de mises à pied ? 

Marc Dutil (Canam)

« On avait la foi ! », affirme le président et chef de la direction du Groupe Canam, Marc Dutil.

La compagnie, dont le siège social est à Saint-Georges, se spécialise dans la conception et la fabrication de composants métalliques pour l’industrie de la construction depuis plusieurs décennies.

M. Dutil mentionne que nous devons rester respectueux avec notre voisin du sud. Les États-Unis sont à proximité et le pays est très prospère. « Par contre, nous sommes deux nations. C’est la fin des illusions que c’est l’arbitrage qui va régler nos problèmes commerciaux avec les Américains. »

L’homme d’affaires s’explique mal pourquoi un pont construit aux États-Unis et recevant de l’aide gouvernementale de Washington est interdit aux soumissionnaires de l’extérieur, mais qu’ici, un même projet recevant de l’argent des gouvernements, la planète entière peut tout de même soumissionner.

« On a été trop patient avec ceux qui ne respectent pas les règles. On doit voir les États-Unis comme des amis transactionnels. On doit vivre dans la réalité. »

M. Dutil souligne qu’on doit penser à notre prospérité collective. Il souligne que nous sommes dans une période de transition. Que nous étions trop dépendants des États-Unis. Parce que le Groupe Canam a des installations sur le territoire américain, il est moins affecté par les nouvelles règles tarifaires de l’administration Trump.

Nicolas Blais (Beauce Atlas)

« 93 % de notre chiffre d’affaires traverse les douanes américaines », lance le directeur général et actionnaire de Beauce Atlas, Nicolas Blais.

L’entreprise de Sainte-Marie est spécialisée dans les structures d’acier depuis de nombreuses années. Ses relations commerciales avec les États-Unis sont principalement tournées vers Philadelphie, Boston et New York.

« Il faut comprendre que le 25 % est applicable sur l’ensemble du contrat. Avec ces tarifs, on n’est plus compétitif. »

Il est clair pour M. Blais que Donald Trump utilise ses menaces comme levier de négociation avec les autres pays. Pour l’instant, il espère que les propos du président américain n’auront que des effets à court terme. « Dans 12 mois, si les tarifs persistent, alors là on pourra vraiment s’inquiéter. »

La compagnie beauceronne est soutenue par ses clients de l’autre côté de la frontière. Une dizaine d’entre eux acceptent de prendre les tarifs de leur chef d’État sur leur dos. Pour ces entreprises américaines, il est plus rentable de faire des affaires avec notre région, plus près géographiquement, qu’avec leurs propres compagnies d’acier principalement situées dans le sud des États-Unis.

Richard Duval (Tapis Venture)

« L’élection de Donald Trump m’a amené à réfléchir à des points par rapport au leadership de nos gouvernements », avoue le président de Tapis Venture, Richard Duval.

Localisée à Saint-Georges, cette entreprise est experte dans la conception et la fabrication de recouvrement de sol en textile. Selon l’homme d’affaires, M. Trump a longtemps soulevé des points qu’il reprochait au Canada.

Comment, nous au pays, en sommes-nous rendus là ? Les valeurs que le président américain prône sont des frontières mieux surveillées, c’est-à-dire de contrôler les immigrants illégaux, combattre le trafic de drogue, particulièrement le fentanyl, et dépenser davantage dans la défense du pays, notamment auprès de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN).

« Ces éléments-là, d’après le gouvernement américain, ne sont pas adéquats. Soit qu’on n’a pas bien passé notre message ou bien on n’a vraiment pas fait ce qu’on devait faire. »

Ces constats amènent l’entrepreneur beauceron à se demander qui est le leader au Canada en ce moment. « À un moment clé dans l’histoire économique du pays, nous sommes orphelins à l’échelle nationale. »

M. Duval se demande ce que le Canada peut faire, comme promouvoir l’achat ici, éliminer les barrières interprovinciales et favoriser nos entreprises lors des appels d’offres par des critères spécifiques.

En conclusion, un même message est partagé par les trois hommes d’affaires, on doit se tenir debout. Tout en reconnaissant que nous vivons dans une économie intégrée nord-américaine, ces entrepreneurs beaucerons souhaitent que le Canada devienne plus indépendant dans ses relations commerciales. Et surtout, d’avoir une solidarité en Beauce, au Québec et au Canada.