Laurence Jalbert témoigne de la violence conjugale
COMMUNAUTÉ. L’autrice-compositrice et interprète Laurence Jalbert était à Saint-Georges, le 24 octobre dernier, dans le cadre d’une soirée-conférence présentée par l’organisme Havre l’Éclaircie et la Table de concertation en violence conjugale de Beauce-Etchemin. La célèbre artiste a témoigné de cette violence dont elle a été victime pendant plus de dix ans.
Durant sa carrière musicale, elle a gagné plusieurs prix pour ses albums et chansons, elle a raconté de nombreuses histoires poignantes, avec sa voix rauque et puissante, sur sa vie et celles d’autres personnes qui ont traversé son chemin. Laurence Jalbert a endossé plusieurs causes durant sa prolifique carrière et s’est ouverte sur différents combats de sa vie… sauf un. En 2021, elle est sortie du silence en signant un texte intitulé Des cuillères dans le congélateur, se délivrant ainsi de plus de dix ans de violence conjugale. Qui l’eût cru ? Et pourtant …
C’est dans une salle du Georgesville qu’elle s’est confiée au public, parfois les larmes aux yeux et la voix vibrante d’émotion. Pour cette artiste qui est connue pour ses opinions et son franc-parler, qui jongle et marie les mots en musique depuis 50 ans, elle a choisi de libérer la parole de son cœur dans le but que plus jamais une personne ne veuille étouffer sa voix.
« Il a fallu que je trouve la force qui me restait au fond de moi pour en parler. Je n’avais plus l’énergie de m’en sortir. J’étais en état de survie. Étant une personne connue, je ne pouvais plus mentir à tout le monde, j’étais un second rôle de Laurence Jalbert, l’ombre de moi-même. Je souffrais à un point tel du choc post-traumatique de ma relation avec mon ex-conjoint, que je n’étais plus moi-même », lance la Gaspésienne.
« Je voulais enterrer ces bruits dans ma tête et dans mon cœur; enfouir dans mon âme les mots, les cris, la manipulation tordue, les insultes, les menaces, les coups, la méchanceté et l’intolérable. Encore des cris, encore des conflits, qui jour après jour, dégénéraient pour des banalités. Pour moi, ce n’était pas des banalités. La peur et les pleurs ont fait partie de ma vie pendant plusieurs années. C’est long dix ans, et mon corps s’en souvient encore … », explique l’artiste de 65 ans qui s’est longtemps acharnée au travail pour fuir la maison. Elle a connu le cancer des ovaires et de l’utérus, tout comme une dépression majeure pendant son parcours. Et un jour, elle a trouvé le courage de dire « assez, c’est assez » , a quitté son conjoint et tout laissé derrière elle, sauf son âme. Elle n’a plus besoin de sortir une cuillère du congélateur pour dégonfler ses yeux qui ont pleuré des nuits entières.
Encore et encore de l’amour et de l’espoir
Pour ses deux enfants, elle a tenu le coup. Durant la pandémie, à la vue d’une publicité à la télévision sur la violence conjugale, et dans laquelle elle s’est reconnue, elle s’est effondrée, plus capable de vivre dans le secret. Elle a trouvé la force de prendre le téléphone et a demandé de l’aide auprès d’un organisme. Elle a enfin trouvé l’espoir d’un jour nouveau.
« Loin de moi de me définir comme une victime de ma vie, car ça, il n’en est pas question. Je reste malgré tout certaine qu’il y a quelque chose de bon et de pur dans chaque personne », confie-t-elle.
Au nom de toutes ces femmes victimes de violence conjugale, Laurence Jalbert s’est fait une promesse en chantant les paroles de sa chanson Encore et encore, « Plus jamais je ne les laisserai t’emporter », une pièce d’ailleurs dédiée à une adolescente de 15 ans, violée et assassinée au début des années 1990.
Accompagnée de son pianiste, Mme Jalbert a aussi interprété quelques autres pièces de son grand répertoire, tel que Au nom de la raison, une des pièces qui l’a propulsée comme artiste, et L’hymne à l’amour, composée pour son fils Natan, né à 26 semaines de grossesse, il y a près de 30 ans.
Pendant plus d’une heure trente, le public a découvert une autre facette de cette artiste douée d’écoute et de principes. Animée par la lucidité et la vérité, elle a misé sur l’être et non le paraître, trop souvent prôné par le showbiz. Pour elle, survivre se définit comme réussir pleinement sa vie, habitée par l’amour et l’espoir.