Le visage de la SQ se retire
Ann Mathieu vient de quitter la Sûreté du Québec après une carrière de près de 30 ans. Résidente de Saint-Bernard, elle était l’un des visages les plus connus du public, étant affectée au Service des communications et des relations médias depuis 26 ans.
La lieutenante Mathieu était celle qui reliait l’information aux médias et apparaissait régulièrement dans les bulletins de nouvelles à la télé, à la radio et dans la presse écrite où elle commentait les événements en cours. Elle a eu à agir sur différents crimes majeurs, souvent lors de tragédies humaines. Accidents de la route mortels, disparitions, incendies suspects, meurtre et autres événements du genre ont fait partie de son parcours.
Parmi les plus importants, elle note la disparition des sœurs Carpentier (Norah et Romy) dans Lotbinière et celle de Cédrika Provencher en Mauricie, les inondations de 2019 en Beauce, un meurtre à La Durantaye et l’accident d’un routier ayant causé la mort de quatre personnes sur l’autoroute 20 à Saint-Michel en 1999. Elle a également apporté son soutien aux élus de la région, dans la foulée des événements criminels qui se sont succédé au cours des derniers mois.
« J’ai des amis qui ont été touchés par l’événement survenu aux Éboulements. J’ai aussi passé de longues heures sur les inondations en Beauce. Lorsque j’étais sur la patrouille, j’ai eu à travailler sur un meurtre et je n’ai jamais oublié le nom de cette personne. Annoncer la mort de quelqu’un à son entourage, ça vient nous chercher. »
Elle avoue qu’elle se souviendra de plusieurs de ces événements toute sa vie. « Quand on travaille aussi longtemps pour un même service, plusieurs choses viennent nous toucher davantage, surtout lorsqu’elles ont une connotation négative. Même en prenant un pas de recul, le côté émotionnel fait partie de notre vie. On prend souvent davantage conscience de choses qui nous développent en termes d’individu. »
Un départ préparé
Être impliquée dans des événements, souvent à grand déploiement, apporte son lot d’émotions et d’adrénaline, avoue-t-elle. C’est la raison pour laquelle elle s’était préparée à quitter ses fonctions. « Dans le travail que l’on fait, on roule à grande vitesse, alors je cherchais une façon de me préparer à ça. Je me suis vraiment décidée à la période des Fêtes, alors j’ai demandé à avoir congé les vendredis, pour adoucir la transition et éviter un clash. J’ai même abordé le sujet avec une psychologue pour comprendre qu’il y a une vie après le travail. Il faut seulement se l’approprier. »
Ayant fait des études en marketing avant de faire carrière dans les forces de l’ordre, Ann Mathieu a débuté à la Sûreté du Québec en octobre 1995 à New Carlisle, où elle a été patrouilleuse pendant trois ans, avant de soumettre sa candidature aux communications à Québec. Elle aura rempli le rôle de porte-parole jusqu’en 2017, avant d’accéder à la fonction de chef d’équipe jusqu’en 2025.
« J’avais travaillé chez Bell Canada, mais la police m’appelait depuis que j’étais jeune. Je me souviens de m’être vu dans une vitrine, à mes débuts à la Sûreté et alors que je faisais de la patrouille. J’étais fière, j’avais travaillé fort pour en arriver là. Je ne pense pas qu’on peut sortir la police de quelqu’un. Il y a des réflexes que l’on acquiert au cours d’une carrière qui nous suivent, alors je serai toujours policière. J’ai eu du fun et même si des journées ont été plus difficiles, je ne regrette rien. Si c’était à refaire, je referais ça demain matin », assure-t-elle.
Beauceronne d’adoption et de cœur
Née à Québec et résidente de Saint-Bernard depuis une quinzaine d’années, Ann Mathieu s’est rapidement adaptée à son nouveau milieu. « Je me sens chez nous. Je me suis toujours considérée comme Beauceronne, car mon père est de Saint-Éphrem et j’ai encore de la parenté à Saint-Évariste. Mes enfants ont grandi ici, alors leurs racines sont aussi ici. »
Malgré le côté médiatique relié à ses fonctions, elle ajoute qu’à Saint-Bernard, elle passe généralement inaperçue. « Ici, j’étais plus la femme du p’tit Labrecque. C’est arrivé une fois que quelqu’un frappe à ma porte et c’était bien correct. Les gens ont toujours été gentils et super respectueux. »
Son après-carrière risque d’être aussi occupée, l’ex-policière ayant déjà identifié des champs d’intérêt. « J’aimerais apprendre l’espagnol et être accompagnatrice en fin de vie. Des formations se donnent pour ça. J’ai côtoyé la vie et la mort à travers mon travail et j’ai vu des gens mourir seuls. Je trouve ça épouvantable, mais je comprends que des gens n’ont pas de famille. Je souhaite apporter un soutien à des personnes qui en ont besoin. »
Il n’est pas exclu qu’elle puisse faire autre chose qui s’apparente à son rôle à la Sûreté du Québec. « En communication, c’est peut-être plus exigeant, car les gens nous connaissent davantage. On est le visage de la Sûreté, alors les attentes des autres peuvent être élevées. Je ne sortais pas vraiment de mon travail, même les week-ends, car les gens venaient me questionner. J’aime le monde, j’aime le contact humain et c’est pourquoi j’ai aimé ça. La nature a horreur du vide dans toutes les sphères de l’activité, alors je vais aménager mon quotidien au fur et à mesure », dit-elle en terminant.