Marioupol: le siège d’Azovstal tire à sa fin

KYIV, Ukraine — La Russie a indiqué mercredi qu’un millier de soldats ukrainiens retranchés à Marioupol se sont rendus, la rapprochant de plus en plus de la fin de la bataille qui a transformé la ville en un symbole de résistance et de souffrance.

Les combattants qui sortent des ruines de l’aciérie tentaculaire d’Azovstal ― emportant leurs blessés avec eux et laissant un nombre décroissant de camarades à l’intérieur de l’usine ― font face à un destin incertain. L’Ukraine dit qu’elle espère un échange de prisonniers; la Russie a prévenu qu’au moins certains pourraient faire l’objet d’une enquête pour crimes de guerre.

La Russie a qualifié l’abandon lent, mais constant, de la dernière redoute de la résistance de capitulation, mais l’Ukraine a évité ce mot. On ne sait pas combien de combattants restent à l’intérieur du dédale de tunnels et de bunkers de l’usine, où 2000 résistants auraient été retranchés à un moment donné. Le statut des commandants de la garnison n’est pas clair non plus.

Les deux parties tentent de façonner le récit et d’extraire des victoires de propagande de ce qui a été l’une des batailles les plus importantes de la guerre.

«Il ne peut y avoir qu’une seule interprétation : les troupes retranchées à Azovstal déposent leurs armes et se rendent», a déclaré mercredi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

Pendant ce temps, un soldat russe qui fait l’objet du premier procès pour crimes de guerre depuis le début du conflit a plaidé coupable mercredi d’avoir tué un civil ukrainien. Le sergent russe Vadim Shyshimarin, 21 ans, est accusé d’avoir abattu un Ukrainien d’une balle dans la tête au début de l’invasion. Il risque la prison à vie.

Mercredi, le porte-parole du ministère russe de la Défense, le général de division Igor Konashenkov, a précisé que 959 soldats ukrainiens avaient maintenant abandonné le bastion depuis qu’ils avaient commencé à sortir lundi.

Une vidéo du ministère montre des soldats portant leurs blessés sur des brancards et se soumettant à des fouilles fermes et approfondies. Les troupes n’étaient pas armées, mais n’étaient pas montrées les mains en l’air.

Seule l’usine fait obstacle à la capacité de la Russie à déclarer la capture complète de Marioupol ― un développement qui serait un coup de pouce pour le président russe Vladimir Poutine dans une guerre où nombre de ses plans ont mal tourné.

Après avoir échoué à envahir Kyiv au début de la guerre, M. Poutine s’est concentré sur le cœur industriel du Donbass, dans l’est de l’Ukraine, mais ses troupes y sont maintenant embourbées. Il a fait face à un nouveau revers avec la décision de la Suède et de la Finlande de rejoindre l’OTAN.

Les pays ont soumis leurs candidatures mercredi, une décision saluée par le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg. Les 30 pays membres vont maintenant examiner les demandes. La Finlande et la Suède pourraient devenir membres d’ici quelques mois si les réserves du président turc Recep Tayyip Erdogan peuvent être surmontées. D’autres pays de l’OTAN veulent agir rapidement.

Les défenseurs de Marioupol se sont accrochés à l’aciérie pendant des mois et contre toute attente, empêchant la Russie d’achever son occupation de la ville et de son port. Sa capture complète donnerait à la Russie un pont terrestre ininterrompu vers la péninsule de Crimée, qu’elle a saisie à l’Ukraine en 2014.

La chute de l’aciérie supprimerait également une distraction pour les planificateurs militaires russes qui concentrent ce qui reste de leur force d’invasion sur des batailles ailleurs dans l’est et le sud de l’Ukraine.

Au moins certains des combattants d’Azovstal qui ont déposé les armes ont été emmenés dans une ancienne colonie pénitentiaire située sur un territoire contrôlé par des séparatistes soutenus par la Russie. Leur statut juridique n’est pas clair.

L’Associated Press a filmé des véhicules militaires portant le signe pro-Kremlin «Z» escortant un convoi d’autocars transportant les troupes, alors que des drapeaux soviétiques flottaient à des poteaux le long de la route. Environ deux douzaines de combattants ukrainiens ont été vues dans l’un des bus.

L’Ukraine dit espérer qu’ils pourront être échangés contre des prisonniers de guerre russes, mais que les négociations sont délicates et prennent du temps.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a dit que «les médiateurs internationaux les plus influents sont impliqués» dans l’évacuation.

Mais le principal organe d’enquête fédéral russe a prévenu qu’il avait l’intention d’interroger les troupes pour «identifier les nationalistes» et déterminer s’ils étaient impliqués dans des crimes contre des civils. En outre, le plus haut procureur de Russie a demandé à la Cour suprême du pays de désigner le régiment ukrainien Azov – parmi les troupes qui composaient la garnison d’Azovstal – comme une organisation terroriste. Le régiment a des racines dans l’extrême droite.

Le parlement russe a prévu d’adopter une résolution mercredi pour empêcher l’échange de combattants du régiment Azov, ont indiqué les agences de presse russes.

Marioupol a été la cible de la Russie dès le début de l’invasion. La ville a été en grande partie rasée par des bombardements réguliers et l’Ukraine affirme que plus de 20 000 civils y ont été tués. Pendant le siège, les forces russes ont également lancé des frappes aériennes meurtrières sur une maternité et un théâtre où des civils s’étaient réfugiés. Près de 600 personnes auraient été tuées au théâtre.

Le ministère britannique de la Défense a indiqué mercredi dans son rapport quotidien des renseignements que la défense ukrainienne de Marioupol «a infligé des pertes de personnel coûteuses aux forces russes».

La médiatrice ukrainienne des droits de l’homme a révélé que l’armée russe détenait également plus de 3000 civils de Marioupol dans une autre ancienne colonie pénitentiaire.

Lyudmyla Denisova a dit que la plupart des civils sont détenus pendant un mois, mais que ceux considérés comme «particulièrement peu fiables», y compris les anciens soldats et policiers, sont détenus pendant deux mois. Parmi les détenus figurent une trentaine de volontaires qui ont livré des fournitures humanitaires à Marioupol alors qu’elle était assiégée, a-t-elle déclaré.