Captation de carbone: la nature fait parfois bien les choses

La végétation qui repousse naturellement sur certaines terres agricoles qui ne sont plus exploitées capte autant de carbone que les arbres plantés dans le cadre d’initiatives de reboisement, notamment pour combattre le réchauffement climatique, démontrent les travaux de chercheurs québécois.

Les chercheurs de l’Université Laval, de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, de l’Université du Québec à Montréal et du ministère de la Forêt, de la Faune et des Parcs du Québec ont étudié 49 terres agricoles d’Abitibi laissées en friche pour des périodes allant de quelques années à cinq décennies.

Vingt-six de ces sites s’étaient régénérés naturellement, et 23 avaient été reboisés avec des épinettes blanches.

«Dans le contexte spécifique de l’Abitibi, on s’aperçoit que la succession naturelle qui s’installe par elle-même sur ces terres-là, eh bien, après 50 ans, la quantité de carbone au total, dans les sols et dans la végétation, était la même que si on avait fait une plantation d’épinettes blanches», a résumé la chercheuse Évelyne Thiffault, du Département des sciences du bois et de la forêt et du Centre de recherche sur les matériaux renouvelables de l’Université Laval.

La plantation d’arbres compte souvent parmi les premières solutions proposées pour combattre les changements climatiques, qu’il s’agisse du gouvernement fédéral qui s’est engagé à en planter deux milliards ou des voyageurs qui paient pour en faire planter quelques-uns dans l’espoir d’éponger les émissions polluantes de leur voyage en avion, a-t-elle rappelé.

On dirait toutefois, à la lumière de ces travaux, qu’elle n’est pas nécessaire partout.

«La succession naturelle est capable de faire la job par elle-même dans certaines situations, et ça a été ça, notre surprise, a admis Mme Thiffault. On ne s’attendait pas à ça.»

Comme les terres agricoles du Québec sont souvent d’anciennes forêts qui ont été rasées, c’est une forêt qui a tendance à s’y réinstaller quand on les laisse en friche, a expliqué Mme Thiffault. La situation pourrait donc être différente ailleurs, par exemple, dans les plaines de l’Ouest canadien.

Et si les arbres ont un rôle évident à jouer, on perd souvent de vue l’impact de ce que Mme Thiffault appelle «la végétation basse» qui «créait un système racinaire à plein de profondeurs différentes, alors que dans les plantations, c’était plus unidimensionnel».

Si l’objectif premier est la séquestration du carbone, on ne doit pas s’intéresser uniquement aux arbres de valeur marchande: on doit aussi s’intéresser à tout le reste, a-t-elle souligné.

«Dans le cas de nos friches naturelles, les autres végétations jouent quand même un rôle non négligeable, a-t-elle dit. Dans les friches les plus vieilles, le peuplier faux-tremble va dominer le couvert des arbres, mais on va trouver quand même des arbustes, on va trouver des saules, des peupliers plus petits aussi, et quand même une couche herbacée qui reste abondante malgré qu’il y a un couvert d’arbres.»

La plantation d’arbres conserve toutefois une utilité, par exemple, pour reboiser des sites industriels ou miniers abandonnés où aucune végétation intéressante ne repoussera, a précisé Mme Thiffault. Même certaines terres agricoles en friche ne se régénéreront pas, sans que l’on comprenne pourquoi pour le moment.

«On n’enlève pas un outil du coffre, on en rajoute un, a-t-elle dit en conclusion. On vient diversifier les modes d’action.»

Les travaux de Mme Thiffault et de ses collègues sont publiés dans la revue Plant and Soil.