Deuxième débat des chefs: Legault et Nadeau-Dubois croisent le fer en environnement

QUÉBEC — Durant le premier débat des chefs, la semaine dernière, le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ) François Legault était sur la défensive, mais il est passé à l’attaque, durant le deuxième débat, jeudi, particulièrement envers le porte-parole de Québec solidaire (QS), Gabriel Nadeau-Dubois. 

La promotion de l’environnement a fourni l’occasion à M. Legault, de s’en prendre au leader solidaire, en affirmant qu’il vivait «au pays des merveilles» avec sa «taxe orange» sur les véhicules très polluants.

Mais ce dernier a répliqué en disant que le premier ministre sortant ne cherchait qu’à «faire peur au monde», à «sortir des décorations d’Halloween» et à attaquer Québec solidaire, au lieu de proposer un «projet positif».

Les chefs des cinq partis avaient une deuxième et ultime chance jeudi de croiser le fer, dans l’espoir de séduire les électeurs encore indécis, une douzaine de jours avant le scrutin du 3 octobre.

Une semaine après celui orchestré par TVA, le deuxième débat des chefs, animé par Patrice Roy, était diffusé sur les ondes de Radio-Canada, à Montréal. Il a été beaucoup moins cacophonique que le premier. Les chefs ont pu échanger pendant deux heures autour de cinq thèmes: d’abord l’environnement, ensuite le coût de la vie et l’économie, en troisième lieu la santé, puis l’éducation et les services aux citoyens, et enfin le français, l’immigration et l’identité. Chaque thème a fait l’objet d’un débat d’une quinzaine de minutes entre les cinq chefs. Aucun duel n’avait été planifié.  

M. Nadeau-Dubois ne s’est pas laissé déstabiliser, et a cherché à se faire rassurant en affirmant qu’il fallait encourager les citoyens à «faire de bons choix pour la planète», sur le plan du transport, pour diminuer les gaz à effet de serre. Il a dit que contrairement à ce que prétend M. Legault en brandissant le spectre d’une «taxe orange» exorbitante, les gros véhicules, comme les fourgonnettes, vont coûter «un petit peu plus cher» avec un gouvernement solidaire.

Le chef du Parti conservateur du Québec (PCQ), Éric Duhaime, a rappelé son objectif de faire la promotion de l’exploitation des hydrocarbures pour financer la lutte aux gaz à effet de serre «à l’échelle planétaire».

L’enjeu de la santé a donné lieu à une passe d’armes entre MM. Legault et Duhaime, à propos de la pandémie. Le premier a traité le deuxième d’«irresponsable», d’avoir «profité de la souffrance des gens» et d’avoir «joué un rôle d’agitateur» pendant deux ans. «Je ne descendrai pas aussi bas que vous», a répliqué le chef conservateur.

La question de l’apport du secteur privé dans le réseau de la santé, pour diminuer les listes d’attente, a été abordée. «Si le privé marchait, on le saurait», a plaidé M. Nadeau-Dubois, qui a fait valoir qu’il fallait «reconstruire le système public». M. Duhaime a dit le contraire, vantant le besoin de concurrence en ce domaine et dénonçant le «monopole inefficace» actuel.   

Le chef péquiste a blâmé le gouvernement fédéral pour sa trop faible contribution au financement du réseau, un trou estimé à 6 milliards $, reprochant à M. Legault de «quémander» l’argent d’Ottawa en vain. La solution est l’accession à l’indépendance du Québec, selon lui. 

Questionné à savoir comment il voterait s’il y avait un référendum sur la souveraineté, M. Legault n’a pas répondu.

Le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon a dit de M. Legault que son projet consistait à «éteindre un mouvement qui est parfaitement légitime», soit l’indépendance du Québec.

La cheffe libérale Dominique Anglade a réaffirmé sa foi fédéraliste.

Elle a piqué au vif M. Legault en affirmant que sous son règne on avait observé «un recul pour les femmes». Elle a souligné que quantité de femmes avec enfants ne peuvent pas retourner sur le marché du travail faute de places en garderie.

M. Legault a répliqué qu’il avait augmenté le salaire des enseignantes et en vantant son choix de créer un réseau de maternelles quatre ans, un réseau inachevé et dont la pertinence a été contestée par ses adversaires.

En matière d’immigration, la question des seuils a retenu l’attention. Mme Anglade a dit souhaiter qu’on arrête de voir l’immigration comme une menace.

Le chef péquiste a jugé durement le seuil de 50 000 immigrants par année choisi par le gouvernement caquiste, en affirmant qu’il s’était traduit par la pire période de déclin du français jamais enregistrée au Québec.

Le projet de construction d’un troisième lien entre Québec et Lévis a aussi retenu l’attention. La cheffe libérale Dominique Anglade a reproché à M. Legault de promouvoir ce projet sans aucune étude, «peu importe ce que la science dit».

Le chef du Parti québécois a renchéri pour dire que cette décision du gouvernement caquiste n’était apparemment pas fondée «sur l’intérêt public».

Sur le plan économique, encore une fois, M. Legault s’en est pris à M. Nadeau-Dubois pour lui demander quelles entreprises de quels secteurs devraient fermer leurs portes sous un gouvernement solidaire. Il s’est fait encore dire qu’il cherchait à faire peur au monde.

L’enjeu économique essentiel, «l’éléphant dans la pièce», c’est la pénurie de main-d’oeuvre, a fait valoir de son côté Mme Anglade.

M. Duhaime a dit qu’un gouvernement conservateur verrait à réduire la taille de l’État, ce qui se traduirait par une réduction de 5000 fonctionnaires par attrition.

À leur arrivée sur les lieux, les cinq chefs ont dit quelques mots aux représentants des médias présents devant l’édifice de Radio-Canada.

Le porte-parole de Québec solidaire a été accueilli par quelques partisans, qu’il a salués. Aux reporters présents, il a dit qu’il souhaitait surtout profiter du débat pour faire valoir que le Québec avait «besoin d’un nouveau projet de société».

En sortant de son autobus, tout sourire, la cheffe du Parti libéral du Québec (PLQ), qui a promis au cours des derniers jours de présenter aux téléspectateurs «la vraie Dominique», a dit que le Québec avait «besoin d’un leadership différent, d’un leadership moderne». Elle a dit qu’elle voulait surtout débattre avec François Legault.

Le chef du Parti québécois a promis de rester lui-même et de donner «l’heure juste sur les sujets qui sont déterminants pour notre avenir».

De loin le plus expérimenté des cinq, avec plusieurs débats derrière la cravate, lors des scrutins de 2012, 2014 et 2018, le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), François Legault, s’est présenté en affirmant qu’il était «de bonne humeur». Il a dit vouloir mettre l’accent sur la promotion du français et l’éducation, deux de ses «passions». La semaine dernière, à la suite du premier débat, tous les observateurs s’entendaient pour dire que M. Legault avait l’air absent, maussade, constamment sur la défensive.  «C’est sûr que je vais me faire attaquer encore», a-t-il dit, prétendant diriger la seule équipe capable de concilier économie et environnement.

Le chef du Parti conservateur du Québec a dit qu’il était «moins nerveux que la semaine passée», lors du premier exercice du genre.