Entente de 20 milliards $ pour indemniser les enfants des Premières Nations

OTTAWA — Le gouvernement fédéral annonce avoir conclu une entente de règlement de 20 milliards $ afin d’indemniser les enfants des Premières Nations et leurs familles ayant souffert du sous-financement chronique des services de protection de l’enfance.

L’Assemblée des Premières Nations (APN) ainsi que les autres plaignants inscrits dans deux actions collectives distinctes ont accepté «l’accord de règlement final sur l’indemnisation des enfants et des familles des Premières Nations lésés par le sous-financement discriminatoire du programme des Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations et la définition étroite du principe de Jordan adoptée par le gouvernement fédéral», peut-on lire dans un communiqué publié lundi.

Services aux Autochtones Canada soutient qu’il s’agit du montant le plus important pour un règlement dans l’histoire canadienne.

«Les enfants des Premières Nations méritent d’être entourés d’amour et de vivre à l’abri des politiques gouvernementales discriminatoires», a commenté à son tour dans un communiqué la cheffe régionale de l’APN au Manitoba, Cindy Woodhouse.

«Après trois décennies de plaidoyer et des mois de négociations, je suis fière d’annoncer au nom de l’APN que nous avons atteint une autre étape historique pour nos enfants et leurs familles», a-t-elle ajouté.

En entrevue, la ministre des Services aux Autochtones, Patty Hajdu, a mentionné que les parties se sont entendues pour régler l’affaire et reconnaître les souffrances infligées aux enfants et à leurs familles en raison de pratiques discriminatoires et du racisme systémique au sein du programme de protection de l’enfance.

Ces 20 milliards $ représentent la moitié d’un accord plus large de 40 milliards $ visant à réformer le système de protection de l’enfance, incluant un financement de cinq ans pour le programme des Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations. Ces sommes avaient fait l’objet d’une entente de principe conclue en janvier et avaient été inscrites dans la mise à jour financière fédérale de 2021.

La Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et l’APN avaient d’abord déposé une plainte en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, en 2007, en plaidant que le sous-financement chronique des services de protection de l’enfance dans les communautés autochtones était discriminatoire en comparaison avec les services offerts par les provinces aux enfants d’autres communautés.

Ottawa finance les services de protection de l’enfance à l’intérieur des réserves, mais se contente de compenser les dépenses des provinces seulement si les enfants sont placés en foyers d’accueil. Par conséquent, on observe beaucoup plus de placements d’enfants autochtones et de familles brisées que nécessaire. 

Des données tirées du recensement de 2016 montrent que moins de 8 % des enfants de moins de 15 ans étaient autochtones alors qu’ils représentent 15 % de tous les enfants placés en foyers d’accueil.

Le Tribunal canadien des droits de la personne a statué, en 2016, que le gouvernement fédéral avait discriminé les enfants des Premières Nations. Le gouvernement libéral a interjeté appel de cette décision en demandant à la cour de l’invalider, ce qui lui a été refusé.

En 2019, le tribunal a ordonné au gouvernement de payer l’indemnité maximale possible, soit 40 000 $ par enfant, à tout jeune ayant été retiré de sa famille sans justification valable depuis le 1er janvier 2006. La même compensation a été accordée aux parents et aux grands-parents de ces enfants arrachés à leur famille.

Le tribunal a par ailleurs déterminé que les critères du Principe de Jordan doivent être élargis afin que plus d’enfants soient admissibles.

À nouveau, le gouvernement fédéral avait fait appel de cette décision devant la Cour fédérale, mais cette dernière a confirmé le jugement dans sa propre décision rendue l’automne dernier.

Cet appel avait toutefois été suspendu pendant que des négociations se déroulaient avec des leaders autochtones au sujet du programme d’indemnisation. L’ancien sénateur Murray Sinclair, qui a présidé la Commission de vérité et réconciliation, a été mandaté pour faciliter les discussions.

L’accord a donc finalement été signé par toutes les parties et soumis à la Cour fédérale. Cette dernière ainsi que le Tribunal canadien des droits de la personne doivent l’entériner afin qu’elle devienne officielle et que les fonds puissent être versés aux victimes.

En ce qui concerne l’autre tranche de 20 milliards de dollars consacrée à la création du programme des Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations, la ministre Hajdu reconnaît que les négociations sont plus difficiles. On cherche à établir des mécanismes pour s’assurer que les enfants ont accès à des services de même qualité et progressivement à transférer la responsabilité de ces services aux communautés autochtones.