Jean Vanier, cofondateur de L’Arche, aurait agressé sexuellement 25 femmes

MONTRÉAL — Un rapport commandé par L’Arche conclut que le cofondateur Jean Vanier a agressé sexuellement 25 femmes au cours de ses décennies avec l’organisme caritatif.

L’Arche Internationale a indiqué lundi que l’enquête d’une commission a identifié 25 femmes qui ont vécu, à un moment de leur relation avec Jean Vanier, «une situation impliquant un acte sexuel ou un geste intime», entre 1952 et son décès, en 2019.

Cependant, selon les conclusions d’un groupe d’universitaires français indépendants, ce nombre pourrait être plus élevé. «La Commission fait l’hypothèse que ce nombre de vingt-cinq est inférieur au nombre réel de femmes concernées», lit-on dans une synthèse du rapport.

Jean Vanier, fils de l’ancien gouverneur général du Canada Georges Vanier, a été officier de la marine canadienne et professeur d’université à Toronto, avant de se tourner vers des œuvres caritatives d’inspiration catholique.

Il a fondé L’Arche en 1964 comme un milieu de vie alternatif où les personnes ayant une déficience intellectuelle pourraient être des participants à part entière dans la communauté, au lieu de patients.

Le rapport de 908 pages a été commandé par L’Arche pour mieux comprendre les actions de Jean Vanier et du père Thomas Philippe, un prêtre catholique que Jean Vanier avait appelé son «père spirituel». Un précédent rapport rendu public en février 2020 concluait que Jean Vanier avait eu des relations sexuelles manipulatrices avec au moins six femmes en France entre 1975 et 1990 et avait utilisé son pouvoir sur elles pour en profiter.

Le nouveau rapport indique que les relations entre Jean Vanier, décédé en 2019, et les femmes «s’inscrivent toutes dans un continuum de confusion, d’emprise et d’abus».

Les auteurs du rapport mettent en doute le récit de Jean Vanier sur les origines de L’Arche, affirmant que ce n’était pas une «révélation» lors d’une visite dans un établissement psychiatrique qui l’a amené à fonder l’organisme de bienfaisance. Au contraire, la dévotion à aider les personnes handicapées lui a offert un «paravent» pour continuer son association avec Thomas Philippe, qui avait épousé des croyances «mystico-sexuelles» et avait déjà été sanctionné par l’Église catholique pour abus.

Ils révèlent que la secte cachée identifiait des personnes cherchant des conseils spirituels et les exploitait à des fins sexuelles. Elle était principalement établie dans la ville française de Trosly-Breuil, où L’Arche a été fondée.

«C’est au sein de la communauté de Trosly qu’eurent lieu la majorité des cas d’emprise et d’abus sexuels confiés à la Commission, indique le rapport. Des personnes accusées d’abus sexuel en ont été membres et y ont exercé des responsabilités, des victimes vivent encore à proximité.»

Il n’y a aucune preuve que des personnes déficientes intellectuelles ont été maltraitées. Les abus présumés étaient principalement confinés à la communauté en France, mais la commission a déclaré avoir reçu des récits d’abus dans d’autres pays, dont le Canada et l’Inde. Les femmes liées à Jean Vanier ont toutes été décrites comme de jeunes adultes, entre 20 et 35 ans, célibataires, mariées ou ayant prononcé des vœux religieux.

«Sans nécessairement se déclarer toutes victimes, les femmes qui ont témoigné soulignent la confusion entre les plans spirituel, affectif et sexuel, qui caractérisait la relation», lit-on dans le rapport.

Dans un communiqué, L’Arche Canada soutient le rapport et remercie les femmes qui se sont présentées.

«Nous nous tenons à leurs côtés et aux côtés d’autres personnes qui ont subi des abus», écrit la branche canadienne.

Les révélations de février 2020 ont laissé la branche canadienne et de nombreuses organisations se demander quoi faire à propos de Jean Vanier. Son nom est attaché à plusieurs écoles catholiques à travers le Canada, et il a également été récipiendaire des nombreuses distinctions, dont l’Ordre du Canada et l’Ordre national du Québec.

Il y a 160 communautés de L’Arche dans 38 pays, dont 28 communautés et deux projets au Canada.

L’équipe qui a mené la recherche comprenait des historiens, une sociologue, un psychiatre, une psychanalyste et une théologienne. Ils ont mené 119 entretiens avec 89 personnes, en plus d’étudier de nombreux documents d’archives de L’Arche et des ordres religieux.

Ils n’ont trouvé aucun signe d’une dissimulation des actes, qui se limitaient à un petit noyau de la secte qui comprenait Jean Vanier et Thomas Philippe.

Dans une lettre, les dirigeants de L’Arche Internationale disent être consternés par les détails révélés lundi et condamnent une fois de plus les actions de Jean Vanier, s’excusant de ne pas avoir repéré les abus et remerciant les personnes qui se sont manifestées.

«Nous redisons notre gratitude à celles qui, il y a quelques années, ont brisé le silence au sujet du père Thomas Philippe (en 2014) puis de Jean Vanier, et ont ainsi aidé d’autres à se libérer d’un fardeau intolérable», écrivent les responsables internationaux, ajoutant: «Ce qui justifie L’Arche, ce n’est pas son fondateur, mais la vie de ses membres, avec et sans handicap, au service d’une société plus humaine.»