La participation des régimes de retraite dans les sociétés gazières serait risquée
TORONTO — Les régimes de retraite publics canadiens devraient repenser les milliards de dollars qu’ils ont investis dans les infrastructures de gaz naturel dans le contexte de la poussée mondiale visant à réduire les émissions, selon un rapport publié mercredi par un groupe de protection du climat.
Le document de Shift: Action for Pension Wealth and Planet Health publié mercredi révèle que neuf des plus grandes caisses de retraite publiques du Canada ont investi dans 22 sociétés liées au gaz qui exploitent ensemble près de 350 000 kilomètres de pipelines dans le monde.
Les investissements ne constituent pas la valeur sûre à long terme qu’ils devaient être, et le fait que les compagnies gazières parlent de passer à la distribution d’hydrogène ne les sauvera pas, soutient Adam Scott, directeur de Shift.
La promotion des sociétés gazières déployée auprès du public, des régulateurs et des investisseurs concernant «leur capacité à faire passer leur infrastructure à l’hydrogène ne résiste pas à l’examen», indique M. Scott dans un communiqué.
«Les travailleurs canadiens ne devraient pas investir leur épargne-retraite dans ces actifs à haut risque, à forte teneur en carbone et bientôt abandonnés», mentionne-t-il.
L’hydrogène se heurte à de nombreux obstacles pour être utilisé comme alternative au gaz naturel, notamment les coûts, les défis techniques et la physique, en particulier à mesure que des solutions de rechange, comme les pompes à chaleur, gagnent du terrain, indique le rapport.
L’hydrogène sera plutôt probablement limité à des utilisations de niche où les émissions sont particulièrement difficiles à réduire, peut-on lire.
Ces commentaires surviennent alors que les fonds de pension continuent d’investir dans des sociétés d’infrastructures de gaz naturel.
L’Office d’investissement du régime de pensions du Canada (OIRPC) a annoncé en août dernier qu’il investissait 1,2 milliard $ dans Tallgrass Energy, qui exploite plus de 16 000 kilomètres de pipelines de pétrole et de gaz aux États-Unis.
En annonçant l’accord, Investissements RPC a noté que la société investissait dans des initiatives comme l’hydrogène et les carburants renouvelables, alors qu’elle s’efforce de créer un avenir à faible émission de carbone.
Le Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario a annoncé en décembre 2020 qu’il acquérait une participation de 69,4 % dans Società Gasdotti Italia, qui détient 1700 kilomètres de pipelines. Il a souligné le potentiel d’utilisation du réseau pour transporter de l’hydrogène lors de l’annonce. Cependant, Shift note qu’il n’a pas beaucoup parlé de ce potentiel depuis.
La CDPQ accueille bien le rapport
Les caisses de retraite qui investissent dans des sociétés de gaz naturel ne misent pas toutes sur l’hydrogène.
La Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), qui a vendu ses participations dans des producteurs de pétrole, a annoncé en septembre dernier qu’elle et le Fonds de solidarité FTQ allaient dépenser 575 millions $ pour accroître leur participation dans Énergir.
Selon la CDPQ, l’investissement dans l’entreprise qui exploite plus de 12 000 kilomètres de pipelines, principalement au Québec, vise à l’aider à accélérer sa décarbonisation en partie grâce au gaz renouvelable, sans mentionner l’hydrogène.
La porte-parole de la Caisse, Kate Monfette, a indiqué que le régime de retraite accueillait favorablement le rapport de Shift. Elle a affirmé que la Caisse surveille de près ses participations dans le transport et la distribution et leur engagement à l’égard de la transition vers des émissions plus faibles.
«Les caisses de retraite ont un rôle actif à jouer pour soutenir la transition», a soutenu Mme Monfette.
L’ampleur et la fiabilité limitées actuelles des énergies renouvelables signifient que le gaz est nécessaire pour contribuer à la transition en comblant l’écart et en compensant la variabilité des énergies renouvelables, a-t-elle fait valoir.
Selon Shift, dans l’ensemble, les fonds de pension devraient inciter les sociétés de services publics dont ils sont copropriétaires à mettre un terme à l’expansion des combustibles fossiles et à favoriser la transition vers l’énergie durable, et s’ils ne réagissent pas, ils devraient être prêts à vendre.
Les fonds de pension, dont l’OIRPC, ont repoussé les appels au désinvestissement, mais ont déclaré qu’ils suivaient une stratégie similaire à celle préconisée par Shift.
Dans un commentaire en décembre, Bill Rogers, responsable du groupe des énergies durables d’Investissements RPC, a mentionné que le fonds travaillait avec les sociétés pétrolières et gazières pour réduire les émissions tout en maintenant l’accès nécessaire à l’énergie.
Il a dit que la vente des participations pourrait signifier que les sociétés deviennent la propriété de ceux qui se soucient moins du climat.
«Nous pensons qu’un désinvestissement généralisé du pétrole et du gaz est un pari contre l’ingéniosité humaine et pourrait avoir un impact sur l’accès à une énergie abordable et fiable sur certains marchés.»
Le grand défi consiste à répondre à la fois à la demande croissante d’énergie et à la nécessité de réduire les émissions, estime M. Rogers.
«Un engagement de cette envergure nécessite une multiplicité de technologies, de projets et de participants», a-t-il déclaré.