La réforme du programme d’immersion française est vivement critiquée au N.-Brunswick

FREDERICTON — Des enseignants et des parents se sont réunis mercredi à Fredericton pour s’opposer à un projet du gouvernement du Nouveau-Brunswick, qui vise à réformer le programme d’immersion française dans les écoles d’ici l’automne.

Environ 300 personnes se sont réunies lors de consultations dirigées par le gouvernement, dont la durée a débordé d’environ 1h30. Les quelque 30 personnes qui se sont adressées à la salle ont toutes critiqué les changements proposés par la province.

Les participants ont exigé des preuves qui justifiaient les réformes, notamment par rapport aux lacunes du programme d’immersion française actuel. Ils ont également demandé quelles données avaient été utilisées par la province pour créer le nouveau programme, et si les changements étaient précipités à la suite des perturbations causées par la pandémie.

L’enseignante Heather Hollett a comparé le plan du gouvernement au fait de démolir la totalité d’une maison quand seule la cuisine a besoin d’être rénovée.

«Plutôt que de démonter le système, je suggère de collecter des données et de consacrer des ressources à l’éducation par le biais d’une assistance pédagogique accrue, comme des interventions de soutien des mentors comportementaux, des ergothérapeutes et des orthophonistes», a-t-elle déclaré au public.

Le gouvernement soutient que le but de ses réformes est de s’assurer que tous les diplômés du secteur anglophone ont au moins un «niveau conversationnel» en français. La province se targue d’être la seule province officiellement bilingue au Canada, mais déplore également le fait que la plupart de ses diplômés anglophones ne parlaient pas français.

Les changements proposés — qui doivent être mis en place à l’automne — s’avèrent controversés, parce qu’ils réduisent le temps d’apprentissage en français. Le programme d’immersion actuel de la province offre jusqu’à 90 % du temps de classe en français, tandis que le nouveau programme consacre une moitié de la journée à l’apprentissage en français et l’autre moitié à l’enseignement en anglais pour des matières comme les mathématiques, la lecture et l’écriture.

Moira Buyting, dont les enfants étudient dans le programme d’immersion française, a souligné que le gouvernement devait suspendre sa réforme. Selon elle, les enseignants et les étudiants ont traversé deux ans de COVID-19 et sont affectés par ses effets.

«J’ai l’impression que le système a juste besoin de faire une pause et de rattraper son retard, a-t-elle expliqué. Les enseignants doivent être dynamisés et les enfants ont juste besoin de cohérence».

Mme Hollett a affirmé entretenir de «sérieuses inquiétudes», puisque le nouveau programme du gouvernement ne semble pas avoir laissé de place aux activités parascolaires. L’enseignante estime que les réalités logistiques de l’école rendent la promesse d’enseigner aux élèves en français pendant une demi-journée «mal informée et fausse».

«Si 50 % de la journée est consacrée à la littératie en mathématiques et à l’enseignement en anglais et que 50 % de la journée est consacrée à l’enseignement en français, où se retrouvent les matières comme l’éducation physique, l’art et la musique?», a-t-elle ajouté, suscitant des acclamations et des applaudissements du public.

Une opposition «vocale et publique»

Le ministre de l’Éducation, Bill Hogan, a amorcé la soirée en expliquant à la foule que le but de la séance était d’évaluer si le gouvernement était sur la «bonne voie».

«En fin de compte, lorsque nous examinerons toutes les données que nous avons recueillies, nous prendrons une décision et la partagerons dès que nous le pourrons», a-t-il indiqué.

Jeff Beairsto, un ingénieur dont les enfants étudient aussi dans le programme d’immersion française, a voulu savoir si le gouvernement avait reçu un soutien en privé par rapport aux changements prévus. Il a ajouté que l’opposition à l’idée de la province avait été vocale et publique.

«Si vous concertez le public en disant que la majorité silencieuse a parlé, j’espère que vous avez des données pour soutenir cette affirmation, a-t-il déclaré. Il ne semble pas que la cohorte silencieuse soit la majorité».

Le ministre de l’Éducation n’a pas répondu aux questions des journalistes sur la proportion de personnes favorables au programme.

«J’ai reçu un certain nombre de commentaires positifs et de courriels d’enseignants. Alors oui, j’en ai reçu, a-t-il souligné. Nous allons comptabiliser cela avec le reste des données dont nous disposons, et nous en tirerons des conclusions».

Chrissy Montgomery, qui travaille pour les Services aux Sourds et Malentendants du Nouveau-Brunswick, a déclaré qu’il y avait actuellement une pénurie d’interprètes et d’enseignants pour les élèves ayant des problèmes auditifs. Les enfants malentendants devraient apprendre le langage des signes avant le français ou l’anglais, a-t-elle souligné, ajoutant que le plan du gouvernement ne ferait qu’accroître leur confusion et leur frustration.

Selon elle, de nombreux élèves sourds qui entrent à la maternelle n’ont pas appris à exprimer adéquatement leurs besoins en français ou en anglais. 

«Vous allez les faire passer d’un cours d’anglais la moitié du temps à un cours de français l’autre moitié du temps sans avoir aucune langue?», a déploré Mme Montgomery.

Donna McLaughlin, membre du conseil d’administration de Canadian Parents for French, a déclaré que les parents n’avaient pas encore vu les données et les recherches qui soutenaient le plan proposé, ajoutant que le gouvernement n’avait même pas mentionné qui étaient leurs experts.

Le directeur général de la section du Nouveau-Brunswick de Canadian Parents for French, Chris Collins, a participé à toutes les consultations publiques à Bathurst, à Moncton et à Saint-Jean. Selon lui, la réaction du public envers les changements a été «très négative», et il espère que leurs voix seront entendues.