Le Bloc québécois réclame la démission d’Elghawaby et l’abolition de son poste

OTTAWA — Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a réclamé jeudi la démission de la nouvelle conseillère spéciale chargée de la lutte contre l’islamophobie, Amira Elghawaby, ainsi que l’abolition pure et simple de son poste.

«Je pense qu’elle est toujours hostile à la notion de laïcité de l’État, qu’elle a encore des préjugés à combattre contre la nation québécoise et je pense qu’elle a quand même, aussi, un peu plus d’ouverture d’esprit. Elle a admis une méconnaissance de l’histoire et de la réalité du Québec, ce qui est un premier pas», a dit M. Blanchet dans le foyer de la Chambre des communes au lendemain de leur rencontre.

Les excuses présentées aux Québécois par Mme Elghawaby pour la façon dont ses «mots» ont «été reçus» et le fait qu’ils ont «blessé» ont surtout convaincu M. Blanchet qu’«elle admet s’être disqualifiée».

Il lui apparaît donc «clair et sans équivoque» que celle qui a «insulté grossièrement» les Québécois doivequitter volontairement ou se faire montrer la porte par M. Trudeau, ce que ce dernier a déjà écarté à maintes reprises.

Dans différents textes d’opinion, la nouvelle conseillère spéciale a soutenu que «la majorité» des Québécois «sont (guidés) par un sentiment antimusulman» et qu’ils peuvent être portés vers «la peur de perdre la pureté – la pureté du sang, la pureté de la race, la pureté des traits nationaux, des valeurs et des liens».

M. Blanchet n’est pas le seul à réclamer le départ de Mme Elghawaby. C’est également la demande du Parti conservateur du Canada et de la vaste majorité des élus de l’Assemblée nationale du Québec.

Abolir le poste

Le chef du Bloc québécois a reproché au premier ministre Justin Trudeau d’avoir transformé le poste qui devait lutter contre le racisme en «un instrument politique» pour «opposer la communauté musulmane à la nation québécoise et créer un amalgame nocif entre laïcité et islamophobie».

«Il est très clair que le choix qu’il a fait lors d’une première nomination marque au fer rouge, de façon indélébile, la fonction et qu’elle ne pourra pas être réhabilitée au regard des Québécois», a-t-il déclaré.

Ainsi, M. Trudeau doit donc renoncer carrément à la création du poste, a dit M. Blanchet qui offre au premier ministre de collaborer pour «jeter les bases d’une meilleure démarche pour lutter contre le racisme, la haine et la violence».

Appelé à commenter les demandes du Bloc québécois, le bureau du premier ministre a référé La Presse Canadienne à ses déclarations passées.

Après avoir dit qu’il appuie «à 100 %» cette nomination, M. Trudeau a tenté, mercredi, au sixième jour de la controverse,d’apaiser la grogne en affirmant la «comprendre» et en plaidant que les Québécois sont «parmi les plus ardents défenseurs des droits et libertés individuelles».

Le lieutenant du Québec pour les libéraux, Pablo Rodriguez, devait rencontrer à son tour, jeudi, la nouvelle conseillère spéciale. Au cours des derniers jours, il s’était dit deux fois plutôt qu’une blessé par les propos. Il ne s’est pas rendu disponible après la rencontre pour répondre aux questions des médias.

Deux poids, deux mesures?

Le chef adjoint du Nouveau Parti démocratique (NPD), Alexandre Boulerice, était tellement bouleversé par la demande du Bloc québécois d’abolir la fonction de conseillère… qu’il est sorti de la Chambre des communes pour en faire part aux journalistes présents dans le foyer et plaider pour un poste «absolument nécessaire». 

«Le Bloc québécois vient de montrer son véritable visage», soit celui d’élus «complètement insensibles et déconnectés» de la réalité des musulmans du Québec et qui «ne veulent pas que quelqu’un au gouvernement fédéral soit là pour lutter contre l’islamophobie», a-t-il lancé. 

De surcroît, il les a accusés d’avoir «deux poids, deux mesures» en référence au traitement offert à quatre candidats du Bloc québécois dont des propos anti-islam ont fait surface dans les médias lors de la campagne électorale de 2019. 

Ceux-ci se sont excusés et leur chef, Yves-François Blanchet, n’a pas jugé bon de leur montrer la porte. L’une de ces candidates a été élue et siège désormais au Parlement. Il s’agit de la députée de Beauport, Caroline Desbiens. 

Le Bloc québécois a décliné une demande d’entrevue de La Presse Canadienne pour réagir aux accusations à son endroit, mais a transmis une déclaration qui passe à l’attaque et ne traite ni de l’abolition du poste ni d’équité de traitement. 

«Alors que le Bloc québécois, l’Assemblée nationale, le gouvernement du Québec, le Parti québécois et le Parti libéral du Québec ont unanimement demandé son départ, la seule réaction du NPD consiste à s’empresser à attaquer ceux et celles qui déplorent cette nomination.» 

Le NPD continue pour sa part de défendre la nomination d’Amira Elghawaby. Questionné à savoir comment une personne qui a démontré avoir autant de préjugés peut venir lutter contre les préjugés, M. Boulerice a qualifié les déclarations passées de Mme Elghawaby d’«insensibles» et ajouté qu’il y a même «certaines affaires qui sont encore coincées là». Cependant, il a dit vouloir «donner la chance au coureur» et croire qu’elle est de bonne foi, qu’elle veut «apprendre» et «dialoguer».

– Avec la collaboration d’Émilie Bergeron