Le Canada aura finalement évité les problèmes de rodage du F-35, estime un ex-pilote
OTTAWA — Un ancien pilote d’essai de F-35 croit que le Canada aura probablement bénéficié de sa décision de ne pas acheter ce nouveau chasseur furtif il y a plus de dix ans. Mais il estime maintenant qu’Ottawa devait mettre fin à ses tergiversations et opter rapidement pour cet avion de chasse américain.
Le lieutenant-colonel à la retraite Billie Flynn vante aussi les performances et la fiabilité de ce chasseur furtif. «Le F-35 est l’acquisition la plus décortiquée, la plus observée et examinée de toute l’histoire, a soutenu M. Flynn en entrevue. Cet appareil s’est avéré être — bien que plus tard que quiconque ne l’aurait jamais espéré — aussi résilient, aussi efficace et aussi létal que ce qu’on nous avait promis.»
Le gouvernement libéral a amorcé le mois dernier des négociations pour l’achat de 88 appareils F-35, début de ce que plusieurs espèrent être la dernière ligne droite dans la quête lancinante du Canada pour de nouveaux avions de chasse, afin de remplacer les CF-18 vieillissants de l’armée de l’air.
Les négociations avec le gouvernement américain et le géant américain de la défense Lockheed Martin surviennent 12 ans après que le gouvernement conservateur précédent a créé une énorme controverse en annonçant que le Canada achèterait 65 F-35 sans appel d’offres.
M. Flynn, qui a rejoint Lockheed Martin en tant que pilote d’essai de F-35 en 2003, après une carrière de 23 ans dans l’Aviation royale canadienne, estime que le Canada, en ne procédant pas à cet achat initial, a pu éviter en fait bon nombre des premiers problèmes de rodage du F-35, inhérents à tout nouvel appareil.
Non seulement le coût par avion a diminué au fil des ans, a déclaré M.Flynn, mais le logiciel du F-35 «est considérablement plus avancé maintenant qu’il ne l’aurait été si le Canada avait acheté ces avions il y a 10 ans». Le Canada prévoit également d’acheter plus de F-35 qu’auparavant.
«Donc, plus d’avions, des prix à l’unité plus bas, et de meilleures capacités», résume M. Flynn, qui a quitté Lockheed Martin en octobre 2020. «Il y a dix ans, le Canada (…) aurait connu lui aussi les difficultés de rodage qu’a subies l’armée de l’air américaine. Ces problèmes sont résolus maintenant. Il y a des avantages à acheter au sein d’une flotte plus mature.»
Les experts rappellent toutefois les coûts encourus depuis, y compris l’investissement de milliards de dollars pour maintenir en vie les CF-18 pendant que l’armée attend de nouveaux avions de chasse. La confiance dans le système d’acquisition du gouvernement canadien a également été ébranlée.
Encore des problèmes
Pendant ce temps, le F-35, lui, continue de rencontrer des problèmes, dont certains importants. Le bureau de contrôle des comptes publics aux États-Unis, l’équivalent du vérificateur général au Canada, a publié l’an dernier deux rapports décrivant les «déficiences critiques» de cet appareil, qui menacent son développement et son utilisation.
On soulignait notamment les coûts d’exploitation et de maintenance en hausse, qui menacent la viabilité à long terme du chasseur furtif, mais aussi des retards dans le développement d’un simulateur pour tester correctement les capacités de l’appareil et ses lacunes en vol, ainsi que des problèmes matériels et logiciels persistants.
Un rapport interne du testeur d’armes du Pentagone, obtenu par le «Project on Government Oversight», a également révélé de nombreux autres problèmes que les responsables américains tenteraient de camoufler, selon cet organisme à but non lucratif de Washington.
Richard Aboulafia, l’un des principaux analystes mondiaux du F-35, a rappelé que le coût d’achat du chasseur furtif avait baissé au cours de la dernière décennie — plus de 600 avions de chasse ont maintenant été livrés aux États-Unis et à d’autres pays alliés.
Dans un rapport publié l’an dernier, M. Aboulafia a découvert que le type de F-35 que le Canada envisage d’acheter coûtait environ 84 millions $ US l’unité en 2019, comparativement à 112 millions $ en 2015 — une baisse de 25 % en quatre ans.
Pourtant, alors que le F-35 a démontré des capacités «assez impressionnantes», les États-Unis, la Grande-Bretagne et Israël l’ayant tous déployé dans des missions de combat, M. Aboulafia a déclaré que le chasseur furtif reste encore à peaufiner, en raison du prix et de problèmes de logiciel.
Il a néanmoins prédit que le Canada serait satisfait de cet appareil — «la plupart des autres pays de l’OTAN sont arrivés à la même conclusion».
M. Flynn rappelle qu’il est normal que des problèmes surviennent régulièrement avec un nouvel équipement militaire. Mais il a soutenu que le niveau de surveillance entourant le chasseur furtif est inégalé, grâce à sa grande visibilité et à la participation de partenaires tels que le Canada.
Il ne comprend pas pourquoi le gouvernement libéral fédéral ne s’est toujours pas pleinement engagé à acheter ce chasseur furtif — un autre retard inutile, selon lui.
Lorsque le gouvernement a annoncé qu’il amorçait des négociations pour acheter ces F-35, il a laissé la porte ouverte à l’appareil concurrent suédois Gripen, de Saab, si les pourparlers avec Lockheed Martin et le gouvernement américain devaient s’enliser.
Les négociations devraient durer sept mois et, malgré ce que la ministre de la Défense, Anita Anand, a décrit comme une compétition «rigoureuse» pour obtenir le meilleur avion au moindre coût avec le plus d’avantages économiques, les responsables ont déclaré que la portée des pourparlers serait large.
«Ce qu’on a dit aux agences gouvernementales, c’est de ne pas simplement commencer à travailler sur l’incorporation du F-35 dans l’armée de l’air, a déclaré M. Flynn. En leur ordonnant de ne pas travailler sur le programme jusqu’à ce que tout soit finalisé, on introduit de nouveaux délais.»
Selon M. Flynn, ces retards incluent l’attente de la formation des pilotes et des mécaniciens, et le report d’importantes mises à niveau des infrastructures dans les bases aériennes. Cela signifie aussi que l’armée ne peut pas aller de l’avant avec l’achat de nouveaux ravitailleurs en vol. «L’armée de l’air sera en retard quand viendra le temps de s’entraîner et de s’adapter à ce nouvel avion», croit-il.
Les responsables ont déclaré qu’ils espéraient signer un contrat final d’ici l’année prochaine et recevoir le premier F-35 vers 2025.