Le Canada doit soutenir les Forces armées, selon le général Eyre

OTTAWA — Le commandant des Forces armées canadiennes demande à tout le pays de se rallier derrière l’armée en ces temps de pénurie de personnel sans précédent — un problème qui pourrait ultimement nuire à sa capacité de mener ses activités.

Le général Wayne Eyre explique que les déploiements à l’étranger et les opérations au Canada sont plus complexes actuellement en raison du manque de ressources disponibles.

«Nous devons défendre notre mode de vie, tant maintenant que pour le futur», a soutenu le chef d’état-major de la Défense en entrevue avec La Presse Canadienne, au moment où l’armée est de plus en plus sollicitée pour des opérations au Canada et à l’étranger.

«Donc nous avons besoin d’un effort national pour nous aider à ramener nos Forces armées au niveau où elles doivent être pour affronter le monde dangereux qui est devant nous.»

L’armée peine actuellement à pourvoir ses quelque 10 000 postes affichés, ce qui représente environ 10 % des effectifs totaux. Plus tôt ce mois-ci, le chef d’état-major a ordonné à ses troupes de faire du recrutement une priorité, au détriment d’autres activités jugées non essentielles.

Les dernières années ont été difficiles pour ce qui est du recrutement, en partie en raison des allégations d’inconduites sexuelles qui ont visé plusieurs hauts gradés de l’armée et d’une pénurie de main-d’œuvre qui touche toute la société.

«Nous devons rebâtir les Forces armées canadiennes; il faut que nos chiffres augmentent, a tranché le général Eyre. Et nous devons avoir ce sentiment d’urgence, parce que (la pénurie de personnel) nuit à notre capacité d’intervention partout dans le monde.»

De nombreux obstacles

L’armée ne semble pas avoir de réponse claire pour expliquer le fait que les Canadiens ne se précipitent pas vers ses centres de recrutement, ni pourquoi beaucoup de ses membres choisissent de déserter.

Sa stratégie de rétention souligne plutôt le besoin de récolter davantage de données sur les départs, tandis que M. Eyre a tenu à rappeler que les officiers militaires ne sont pas les seuls à peiner dans leurs efforts de recrutement.

Mais l’armée est confrontée à des problèmes spécifiques, notamment concernant sa réputation, ternie par des allégations d’inconduites sexuelles impliquant des membres hauts placés de la hiérarchie et la présence de membres de groupes d’extrême droite dans ses rangs.

L’éloignement de certaines bases militaires n’est pas non plus à négliger, selon le général Eyre.

«On ne se mentira pas: Petawawa, ce n’est pas comme le centre-ville de Toronto, ou même celui d’Ottawa, a illustré le chef d’état-major. Sauf que pour assurer une couverture optimale, nous avons besoin d’avoir du personnel à Cold Lake, Bagotville et près des deux océans.

«Donc c’est un défi pour nous de trouver des manières de rendre ces destinations attrayantes», a reconnu M. Eyre.

Peu d’enthousiasme

En plus de ces différents obstacles, l’armée doit aussi considérer un autre facteur. Selon un sondage mené plus tôt cette année pour le compte du ministère de la Défense nationale, beaucoup de Canadiens écartent la possibilité de s’enrôler.

«Lorsqu’on leur a demandé s’ils envisageaient de rejoindre les Forces armées canadiennes, les jeunes hommes étaient plus susceptibles que les jeunes femmes de répondre par l’affirmative, mais dans l’ensemble, moins de la moitié des groupes ont indiqué qu’ils le feraient», peut-on lire dans le résumé du sondage.

«Tant les répondants hommes que femmes se sont dits réfractaires à l’idée de quitter leur famille et/ou de déménager fréquemment, ce qui les obligerait aussi à quitter leur famille.»

La plupart de ces embûches au recrutement ne sont pas nouvelles, si bien que plusieurs commandants ont dû trouver des solutions à ces problèmes. 

De son côté, pour combler le retard accumulé, le général Eyre mise sur une refonte du code de conduite de l’armée, une meilleure représentation de la diversité, ainsi que des programmes de soutien financier.

«Tout ne s’est pas écroulé d’un coup et nous n’avons pas perdu notre efficacité opérationnelle du jour au lendemain», a estimé M. Eyre. Il a souligné que le nouveau code vestimentaire est plus inclusif, et qu’il autorise également pour la première fois les cheveux longs, le vernis à ongles et les tatouages au visage.

«Je suis plus préoccupé par ces questions (pour les recrues): Peuvent-ils combattre? Sont-ils en forme? Est-ce qu’ils suivent les ordres?»

Le général Eyre a ouvert la porte à d’autres changements, comme permettre davantage de travail à distance et l’assouplissement de l’exigence selon laquelle les membres doivent être physiquement capables de remplir leurs fonctions et de se déployer en mission à tout moment comme condition d’embauche.

Il s’efforce aussi à faire en sorte que les membres de l’armée aient les moyens financiers de vivre adéquatement, notamment en bonifiant l’allocation destinée à compenser les coûts de la vie dans des communautés plus dispendieuses, qui est gelée depuis 2009.

Mais au bout du compte, le général rappelle qu’il a besoin de l’adhésion de tout le pays, et que les gens doivent reconnaître l’importance du rôle de l’armée.

«Il n’y a pas que les Forces armées canadiennes qui doivent se préoccuper du recrutement de l’armée», selon lui.