Les changements climatiques menacent la sécurité du pays, avertit le SCRS

OTTAWA — Les changements climatiques représentent une menace profonde à la sécurité nationale et à la prospérité du pays, avertit le Service canadien de renseignement de sécurité (SCRS). Une hausse du niveau de la mer pourrait notamment engloutir une partie de la Colombie-Britannique et des provinces de l’Atlantique.

Dans une récente analyse, le SCRS dit aussi craindre la montée de la violence de groupes prônant des solutions radicales à la lutte contre les changements climatiques ou de gens voulant préserver leur actuel mode de vie.

La note a été rédigée en avril 2021. La Presse Canadienne en a récemment obtenu une copie par l’entremise de la Loi d’accès à l’information.

Le SCRS énumère plusieurs de ses inquiétudes liées au réchauffement planétaire: les menaces pesant sur les côtes arctiques, la sécurité des frontières, les pressions sur l’approvisionnement en eau et en nourriture.

Selon lui, un examen préliminaire permet de déterminer que les changements climatiques «représentent une menace à long terme complexe à la sécurité, à la sûreté et à la prospérité du Canada».

«Cette menace de se cristallisera pas à un moment précis pour se révéler elle-même. Le processus est en cours et prendra progressivement de l’ampleur au cours des prochaines décennies.»

En novembre 2021, une haute responsable du SCRS avait déclaré, lors d’une conférence sur le renseignement, que le réchauffement climatique aurait un impact sur certains aspects de la sécurité nationale au Canada. Tricia Geddes, directrice adjointe des politiques SCRS, avait rappelé que le mandat du SCRS était d’anticiper les menaces possibles et les comprendre, afin de soutenir d’autres acteurs du gouvernement canadien.

«Ce n’est pas étonnant que les agences de renseignement commencent à porter plus d’attention, parce que les changements climatiques ont de plus en plus d’effets», souligne Simon Dalby, un professeur de l’Université Wilfrid-Laurier, à Waterloo, en Ontario. 

Selon le politologue Will Greaves, de l’Université de Victoria, la note du SCRS est une description plus sophistiquée des menaces représentées par les changements climatiques que «celle qu’on lit dans la plupart des autres documents du gouvernement fédéral».

«Il est rafraîchissant de voir une telle analyse venant d’un organe de sécurité de l’État canadien», lance-t-il.

Des effets

Le mémoire prédit que le recul de la banquise dans l’Arctique ouvrira la voie à une navigation de routine dans le passage du Nord-Ouest et à l’extraction de minerai et de pétrole dans une région qui deviendra économiquement plus viable.

«La concurrence entre les grandes puissances pour avoir accès à l’Arctique, le contrôle et y exercer de l’influence s’intensifiera vraisemblablement. L’activité militaire des Russes et une présence croissante de la Chine dans cette région vitale représenteront aussi des menaces accrues.»

La hausse du niveau de l’eau pourrait provoquer des pertes d’infrastructures. Certaines collectivités vivant dans les zones côtières pourraient même disparaître, avertit le SCRS. «Par exemple, certains modèles signalent des pertes importantes en Colombie-Britannique et dans les provinces de l’Atlantique à cause de la hausse du niveau de la mer et des inondations.»

Pour l’agence, tenter d’atténuer les conséquences des inondations et des conditions météorologiques extrêmes pourrait être irréalisable. Et le coût des assurances pourrait devenir trop élevé. 

Le SCRS prévoit également que les gens pourraient devoir côtoyer la faune à cause de la réduction de la biodiversité et des pertes d’habitat. Cela pourrait accroître le risque de transmission des maladies d’origine animale et le nombre de pandémies.

Les changements climatiques pourraient encourager potentiellement des activités d’extrémistes venant de tous les horizons politiques.

Le Pr Greaves en convient, même s’il croit que le SCRS minimise «l’étendue des clivages sociaux au Canada».

Et ces clivages pourraient s’étendre en raison du contexte politique actuel fortement polarisé. Des groupes de tous les horizons politiques «pourraient adopter des tactiques potentiellement violentes et perturbatrices», ajoute-t-il.