Les combattants font l’impossible pour empêcher la progression des incendies de forêt

À défaut de s’améliorer, la situation des incendies de forêt ne s’est pas aggravée au cours des dernières heures.

Trois immenses brasiers ont été placés en priorité, dont celui qui s’est approché à 500 mètres à peine de Normétal, en Abitibi, mais duquel la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU) dit qu’il a peu évolué, les vents étant plus faibles que prévu.

La porte-parole de la SOPFEU, Karine Pelletier, a raconté que le brasier s’est approché à 500 mètres de la municipalité. «Le feu est très près de la ville, mais on est quand même positifs. Les vents sont moins forts que prévu.»

Mme Pelletier a expliqué qu’un travail intensif se fait, tant des airs qu’au sol, dans ce secteur. «Il y a un peu plus d’humidité qu’hier, donc l’arrosage se poursuit pour essayer de rendre le sol et les combustibles le plus gorgés d’eau possible, mais aussi, on fait des lignes d’arrêt mécanisées. On va couper les arbres, soit avec de la machinerie lourde, soit avec de l’équipement manuel comme des scies mécaniques. On essaie de déraciner, on enlève la broussaille sur une certaine largeur dans le contour du feu pour créer un coupe-feu.»

Normétal demeure évacuée et des préalertes d’évacuation ont été émises pour quelques municipalités environnantes.

À Lebel-sur-Quévillon, deux grands incendies qui pourraient potentiellement fusionner sont sous haute surveillance.

Le troisième brasier préoccupant est celui au nord-ouest de Chibougamau et de Mistissini. Chibougamau est évacuée, mais la communauté crie de quelque 4000 citoyens de Mistissini demeure sur place pour l’instant.

De passage au centre de commandement de la SOPFEU à Québec, le premier ministre François Legault a averti les habitants évacués de Chibougamau et de Lebel-sur-Quévillon de ne pas s’attendre à réintégrer leurs résidences avant mardi prochain, au mieux. «Les prévisions sont toujours les mêmes: on ne prévoit pas de pluies abondantes avant lundi soir prochain.»

Malentendu à Mistissini

M. Legault en a profité pour clarifier le malentendu de la veille, alors qu’il avait annoncé l’évacuation de Mistissini pour ensuite essuyer un refus du chef Michael Petawabano, qui avait déclaré que «Legault ne dirige pas notre communauté», appuyant son refus sur ce qu’il entendait de la collaboration de la SOPFEU avec son conseil.

«Il y a eu hier un malentendu à l’intérieur de la SOPFEU, c’est-à-dire que sur le terrain, on disait qu’on n’avait pas atteint le point déclencheur, mais dans la transmission des informations ici au national, il a été dit qu’il fallait évacuer», a raconté le premier ministre.

Ce point déclencheur, a-t-il précisé, c’est la route. «Il y a une seule route pour sortir de Mistissini, donc on se retrouve dans une situation où, si on perd la route – la route actuellement est à risque – ça deviendrait très difficile d’évacuer les gens, mais encore une fois, le point qui est fixé par la SOPFEU comme déclencheur n’est pas atteint.»

Nouvelles évacuations

La communauté de Waswanipi, située à 137 kilomètres à l’ouest de Chibougamau, a choisi la voie inverse à titre préventif, a précisé M. Legault. «Il y a un risque, mais on n’a pas atteint le point déclencheur. Par contre, la cheffe (Irene) Neeposh a décidé d’évacuer. Jusqu’à présent, sur 1600, il y en a 300 qui sont déjà évacués et on est en train d’en évacuer un autre 500.» Ces évacués seront accueillis surtout à Wendake, la communauté huronne en banlieue de Québec, et à Québec même.

Le ministre responsable des Relations avec les Autochtones, Ian Lafrenière, a d’ailleurs tenu à souligner que c’est Wendake qui «a levé la main».

«Au niveau autochtone, c’est clair qu’on a des communautés qui s’entraident et je veux les remercier. D’ailleurs je veux passer le même message aux gens de Roberval qui ont accueilli plusieurs membres de la communauté crie d’Oujé-Bougoumou et on voit que cet élan de solidarité est à la grandeur du Québec», a-t-il dit.

Chapais, située à mi-chemin entre Chibougamau et Waswanipi, se trouve pendant ce tempssous le coup d’une préalerte d’évacuation, elle dont les citoyens viennent de réintégrer leurs domiciles après une première évacuation.

En point de presse, jeudi soir, la mairesse Isabelle Lessard a mentionné que la situation était stable. Le feu «n’a actuellement pas progressé en direction de la municipalité», mais des risques demeurent tant et aussi longtemps que la «portion la plus menaçante pour les communautés» n’est pas maîtrisée, a-t-elle affirmé.

Sur le plan des prévisions météo, des «vents favorables» prévus vendredi devraient toute de même contribuer à éloigner l’incendie de la communauté, a noté Mme Lessard.

«Une autre bonne nouvelle, c’est qu’on va avoir du renfort terrestre pour contenir le feu plus amplement. On parle de 150 pompiers additionnels. Il s’agit, entre autres, de militaires qui vont débarquer ici, qui ont suivi les formations adéquates pour pouvoir aider», a-t-elle déclaré.

À Senneterre, la mairesse Nathalie Ann Pelchat a indiqué qu’aucune autre évacuation préventive n’était prévue pour l’instant.

Un bilan positif

Le ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, avait auparavant fait le point en fin d’avant-midi à Roberval au Lac-Saint-Jean, qui a ouvert grandes ses portes aux Chibougamois, saluant l’expertisedes hommes et femmes sur le terrain. «Il n’y a pas de blessés depuis presque une semaine qu’ils combattent ces feux. Il n’y a pas de décès. Il n’y a aucune résidence qui a brûlé présentement sur le territoire du Québec. C’est un travail qui est colossal.»

Il en va tout autrement pour les résidences secondaires et installations industrielles, a-t-il toutefois reconnu. «Je n’ai pas le décompte malheureusement de ceux et celles qui ont leur camp de chasse pour aller pêcher ou autre. C’est certain qu’autant pour les équipements forestiers que les sociétés forestières, il y a beaucoup d’équipements. On va se dire qu’ils ont été assurément perdus.»

En date de jeudi matin, le nombre d’évacués au Québec se chiffrait à 13 500 personnes et aucune autre évacuation n’était prévue à court terme, a dit le ministre. On recensait alors quelque 140 feux sur le territoire québécois. Quelques gouttes de pluie sont tombées ici et là dans le Nord-du-Québec, mais pas en Abitibi-Témiscamingue et aucune précipitation d’importance n’est prévue pour les prochains jours.

Premiers renforts de l’extérieur

Des renforts étaient attendus ce jeudi pour aider à la lutte contre les incendies, soitune centaine de pompiers de la France et une cinquantaine d’autres du Nouveau-Brunswick, ce qui devait porter le total à environ 800 combattants. D’autres sapeursdes États-Unis, du Mexique, d’Espagne et du Portugal sont attendus dans les prochains jours, l’objectif étant d’augmenter l’effectif à 1200.

Les villes de Montréal, Laval et Longueuil avaient offert d’envoyer leurs pompiers pour prêter main-forte, mais cette demande a été déclinée par la SOPFEU. À la mairesse Valérie Plante, de Montréal, qui s’expliquait mal ce refus, François Legault a expliqué que la SOPFEU a «atteint la limite de la supervision» qu’elle est en mesure de faire pour des personnes qui ne sont pas formées à la lutte aux incendies de forêt.

Le ministre Bonnardel s’est réjoui de l’absence de progression des grands incendies et a souligné que les combattants sont à creuser d’énormes tranchées de 40 mètres autour du grand feu de Chibougamau afin d’empêcher celui-ci de s’étendre vers les communautés habitées. «Le feu progresse moins rapidement que ce qu’on avait prévu dans les dernières heures. Il y a une certaine stabilité.»

Quant à la possibilité qu’il manque de pilotes d’avions-citernes, François Bonnardel a cherché à se faire rassurant. «La majorité des pilotes font à peu près 100 heures par saison et là, ils vont faire leurs 100 heures à l’intérieur de 30 jours. Ils ne peuvent dépasser 100 heures sur 30 jours. Certains s’ils le souhaitent (sur une base volontaire) peuvent faire 20 heures de plus selon les règles de Transport Canada. Avec le principe de rotation, il se pourrait que sur l’ensemble du territoire, on ait, à terme, après ces 100 heures ou ces 120 heures, deux avions qui soient cloués (au sol).»

François Legault a par ailleurs promis de régler rapidement la question des compensations aux sinistrés, «pour pouvoir dès demain annoncer les « per diem » qui vont être donnés aux gens qui sont évacués. Mais je veux rassurer tout le monde: on va compenser l’équivalent de ce que ça vous a coûté de plus.»