Roxham: Trudeau assure que les négociations avec les Américains sont une «priorité»

OTTAWA — Le premier ministre Justin Trudeau a soutenu jeudi que le président américain Joe Biden sait très bien que la renégociation de l’Entente sur les tiers pays sûrs est prioritaire pour le gouvernement canadien, allant même jusqu’à parler d’une «priorité partagée» sur les questions frontalières.

«Je peux vous assurer que, dans mes conversations directement avec le président Biden, il comprend à quel point c’est une priorité pour le Canada et c’est une priorité partagée de travailler ensemble pour assurer la sécurité de notre frontière partagée», a-t-il dit en français au cours d’un point de presse à Halifax, en Nouvelle-Écosse.

La veille, l’ambassadeur des États-Unis au Canada, David L. Cohen, n’a pas voulu indiquer si Ottawa et Washington se penchent sur l’Entente sur les tiers pays sûrs (ETPS), au cours d’une entrevue diffusée à l’émission «Power and Politics» du réseau CBC.

«Vous n’avez jamais vu ou entendu personne aux États-Unis confirmer qu’il y a des discussions spécifiques sur l’Entente sur les tiers pays sûrs qui surviennent. Et je ne serai pas le premier représentant américain à faire cette déclaration», a-t-il affirmé.

M. Cohen s’est contenté de mentionner que des conversations sur les enjeux migratoires ont cours. Selon lui, une renégociation de l’ETPS ne ferait que «très peu» pour régler les questionsde migrations irrégulières.

L’ETPS fait en sorte qu’un réfugié potentiel se présentant à un poste frontalier officiel canadien et ayant d’abord foulé le sol américain est refoulé puisqu’il doit poursuivre sa demande d’asile dans le premier «lieu sûr» où il est arrivé.

Ainsi, des personnes souhaitant tout de même demander l’asile au Canada traversent la frontière canado-américaine par des passages de fortune, et ce, dans de très nombreux cas par le chemin Roxham, situé en Montérégie. Une fois qu’ils sont au Canada et ont été interceptés par les autorités canadiennes après qu’ils eurent officiellement mis les pieds aupays, leur demande d’asile peut être traitée.

En 2022, un nombre record de 39 171 personnes ont ainsi traversé irrégulièrement la frontière, selon le nombre d’interceptions rapportées par la Gendarmerie royale du Canada.

Le premier ministre François Legault martèle depuis des mois que le Québec n’arrive plus à juguler cet afflux et demande la fermeture du chemin Roxham. Dimanche, il a écrit à M. Trudeau pour réclamer que la totalité des personnes traversant ce passage de fortune soit redirigée vers d’autres provinces.

Durant son point de presse de jeudi, le premier ministre du Canada a paru d’accord avec les affirmations de M. Legault voulant que le Québec ait dépassé sa capacité d’accueil.

«Le Québec est en train de voir sa capacité étirée jusqu’à ses limites», a dit M. Trudeau en anglais en réponse à une question posée dans cette langue.

Il a promis qu’Ottawa fournira du soutien aux provinces de l’Atlantique qui accepteraient d’aider le Québec avec l’afflux de migrants.

Par ailleurs, le premier ministre a affirmé que la renégociation de l’ETPS sera «certainement» abordée au cours de la visite du président Biden au Canada, le mois prochain.

Plus tôt cette semaine, le chef conservateur Pierre Poilievre a ajouté sa voix à celle de M. Legault, réclamant aussi la fermeture du chemin Roxham. Il a greffé à sa requête une échéance de 30 jours.

M. Trudeau, s’il a dit mercredi que «de fermer le chemin Roxham, c’est ce que nous voulons tous», n’a pas manqué d’exposer que sa vision est bien différente de celle de M. Poilievre.

«Mettre des barricades au chemin Roxham va tout simplement amener des gens à traverser ailleurs à travers les 6000 km de frontière qu’on a avec les États-Unis», a-t-il fait valoir en plaidant qu’il n’y a pas de «solution simpliste» pour fermer le passage de fortune.

M. Poilievre estime qu’Ottawa n’a nullement besoin que l’ETPS soit modifiée pour «fermer» le chemin Roxham, alors que le gouvernement Trudeau répète depuis des mois que la renégociation est la voie à suivre.

De leur côté, bloquistes et néo-démocrates demandent la suspension de l’ETPS.