Un colloque se penchera sur les liens entre l’amour et les séries, à Montréal

MONTRÉAL — Est-ce que les séries que vous écoutez ont un impact sur vos relations amoureuses? Qu’en est-il de l’amour que vous portez à vos séries télévisées préférées? Un colloque présenté dans le cadre du congrès de l’Acfas (Association francophone pour le savoir) se penche sur ces questions lundi et mardi, à Montréal. 

«C’est rarement que du divertissement. L’idée circule comme ça, circule par la production culturelle», évoque Chiara Piazzesi, professeure en sociologie à l’Université du Québec à Montréal, et l’une des organisatrices du colloque «Mieux comprendre l’amour pour/par les séries télévisées».

Sans dire que les séries télé conditionnent la vie des citoyens, «elles contribuent à élargir ou modifier les imaginaires intimes qui sont diffusés dans la population générale», explique Mme Piazzesi.

Marta Boni, professeure au Département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques de l’Université de Montréal, analyse les séries comme « une proposition de modèles». Différentes relations de couples, intimes, ou amicales, sont présentées dans les séries, détaille la seconde organisatrice du colloque. 

«Déjà dans les années 30, il y avait des sociologues qui remarquaient que le public allait implanter certains comportements, certains gestes, des comédies ou des films qu’ils regardaient. Il y a toujours eu cet aller-retour entre le monde de la production et le monde de la réception», explique la professeure, qui est l’une des deux organisatrices du colloque. 

Avec l’arrivée des différentes plateformes de visionnement en ligne, les séries télévisées se sont multipliées, mais elles se sont également rapprochées de leur public, évoque Mme Boni. 

«C’est comme si en ayant une relation plus intime à notre écran, le fait de pouvoir regarder, sur Netflix ou n’importe quelle autre plateforme, le contenu qu’on veut au moment où on veut, sur l’écran de notre choix, c’est comme si ça allait aussi avec la possibilité de regarder des contenus de plus en plus nuancés, personnalisés. Donc évidemment, il n’y a plus un seul modèle de l’amour », explique la professeure. 

Même si les séries présentent encore souvent «un script hétérosexuel et patriarcal», elles abordent une variété de sujets grandissante, selon Marta Boni. «Si avant on avait une idée de la télévision, et un ensemble de modèles plutôt figés, plutôt normatifs, une certaine idée d’une bonne vie, ou d’une relation idéale […] aujourd’hui, on fait face à une transformation, qui est lente bien sûr, mais qui répond de plus en plus à plusieurs interrogations de la société civile, et notamment des générations plus jeunes», évoque la professeure. 

Marta Boni estime que la forme des séries doit être appelée à changer autant que leur contenu. «Il ne suffit pas de mettre en scène un personnage faisant partie d’une minorité pour qu’un discours différent puisse vraiment prendre forme», dit-elle. 

Une réflexion politique 

En plus de s’attarder au lien entre nos relations et les séries, le colloque se penche sur l’amour que nous portons aux séries. Une conférence portera spécifiquement sur la sériphilie, et d’autres présentations aborderont différentes œuvres, comme White Lotus et The Leftovers. 

À ceux qui pensent que les séries télévisées représentent un sujet de recherche «léger», Marta Boni leur répond : «la culture populaire est un point de départ pour une réflexion politique sur le contemporain ». 

Les séries peuvent aussi refléter certains changements qui s’opèrent dans les sociétés, comme une plus grande ouverture à la diversité sexuelle et de genre, ou à la neurodiversité, selon Mme Boni. «On voit comment ces questions sont reprises par les séries, mais aussi comment les séries vont nous permettre de trouver de nouveaux angles pour en discuter ou apprendre », précise-t-elle, en faisant référence à la populaire série Sex Education, qui va jusqu’à proposer des «leçons» aux téléspectateurs plus jeunes. 

«Les séries télévisées sont devenues vraiment un véhicule de diffusion de certains questionnements, de certaines réflexions collectives sur les problèmes de l’intimité», affirme pour sa part Chiara Piazzesi.

Le congrès de l’Acfas aura lieu du 8 au 12 mai, sur les campus de l’Université de Montréal, du HEC et de la Polytechnique. Plus de 300 colloques y seront présentés. L’événement, qui se déroulera sous une formule hybride, réunira 9000 congressistes. 

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Cette dépêche a été rédigée avec l’aide financière de la Bourse de Meta et de La Presse Canadienne pour les nouvelles.