Un ophtalmologiste permet à de jeunes Autochtones d’obtenir des soins de proximité
MONTRÉAL — Se rendre dans les communautés autochtones situées dans des territoires éloignés pour assurer la santé oculaire des enfants: c’est le projet qu’a lancé le Dr Kourosh Sabri. Il remarque que plus de la moitié des enfants de ces communautés ont besoin de lunettes, et espère que son initiative dépasse les frontières de l’Ontario.
Le projet Indigenous Children Eye Examination (ICEE) a jusqu’à présent pu venir en aide à plus de 6000 enfants autochtones, résidant pour la plupart dans des communautés situées en Ontario.
L’idée du projet est venue au Dr Sabri, ophtalmologiste pédiatrique, qui pratique actuellement à Hamilton, en Ontario, lorsqu’on lui a demandé, en 2007, de se rendre dans les communautés autochtones situées autour de la baie d’Hudson.
Il a rapidement constaté que les enfants résidant dans ce secteur n’avaient pas accès à des soins oculaires, et qu’un programme offrant ces services aux jeunes autochtones en territoire éloigné était nécessaire.
«Et puis, depuis trois ou quatre ans, nous avons commencé à faire des voyages une fois que nous avons obtenu le financement. Nous nous rendons dans le nord de l’Ontario, dans les communautés des Premières Nations situées le long de la baie d’Hudson. Nous visitons régulièrement six communautés», détaille le Dr Sabri.
C’est alors que le Dr Sabri et son équipe d’ophtalmologistes ont constaté «un grand nombre de problèmes importants».
«Je dirais que 60 à 70 % des enfants de ces communautés ont besoin de lunettes. Beaucoup d’entre eux sont très myopes et présentent un astigmatisme élevé, dit-il. Le pourcentage d’enfants autochtones ayant besoin de lunettes est beaucoup plus élevé que celui des enfants non autochtones.»
Même s’il s’agit de problématiques qui peuvent facilement être résolues à l’aide de lunettes, encore faut-il consulter un optométriste. Toutefois, cela s’avère compliqué pour plusieurs membres de communautés autochtones qui doivent prendre l’avion pour rencontrer des spécialistes.
«Ils ont beaucoup d’autres défis à relever. Ils n’ont pas d’eau potable, ils n’ont pas accès à une alimentation saine, ils n’ont pas accès à un abri sûr et chaud en hiver. Il faut donc que les parents se souviennent qu’ils doivent emmener leurs enfants à 300 kilomètres (de la communauté) pour un examen de la vue. Cela n’arrivera pas, et cela n’arrive pas. C’est ce que nous avons constaté», indique le Dr Sabri.
Au Québec, l’organisation Bonhomme à lunettes, qui offre des lunettes à bas prix et des cliniques mobiles dans des organismes communautaires de la grande région de Montréal, se rend dans les communautés autochtones de la Baie-James pour offrir ce service.
«On fait huit ou neuf communautés en alternance», affirme Philippe Rochette, l’opticien derrière la création du Bonhomme à lunettes.
Le Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie-James organise «la tournée» dans les différentes communautés en fonction du nombre de personnes qui y résident.
«Nous on assure le service de la fabrication des lunettes de prescription. Les optométristes montent avec nous, font le voyage avec nous, on travaille toujours en collaboration avec eux, et eux font l’examen de la vue. Ils ont une salle d’optométrie mobile qu’ils peuvent monter et démonter. Nous, on a un kit d’opticien itinérant, qui a déjà fait ses preuves dans plus de 65 organismes communautaires à Montréal depuis 15 ans», explique M. Rochette.
Même si d’autres communautés ont approché l’organisation pour obtenir ses services, le Bonhomme à lunettes ne peut pas répondre à la demande, faute d’optométristes.
«Il y a quelques autres communautés qui ont déjà manifesté leur intérêt à ce qu’on puisse aller avec eux. On est ouvert à le faire. Le problème, c’est qu’on n’a pas trouvé les optométristes qui veulent monter là-bas, pour aller faire les examens de la vue», déclare M. Rochette, se disant ouvert à élargir ses services.
Le Dr Sabri espère pour sa part que le projet ICEE prendra de l’expansion pour fournir des soins oculaires dans les communautés autochtones éloignées dans chaque province. Cette année, l’organisation a effectué un premier voyage pour offrir des soins dans la communauté métisse de l’Île-à-la-Crosse, en Saskatchewan.
En Ontario, près d’une quinzaine d’ophtalmologistes prennent part au projet. Le projet est d’ailleurs à but non lucratif, et les médecins qui s’y impliquent le font bénévolement.
L’organisation des voyages dans les communautés et la fabrication des lunettes sont effectuées dans les bureaux du projet ICEE à Hamilton.
Former des membres des communautés
Outre les visites en personne dans les communautés, le projet ICEE offre des consultations en télémédecine et forme des membres des communautés afin qu’ils deviennent techniciens de la vue, pour dépister des problèmes simples.
Par exemple, une jeune femme de la communauté d’Attawapiskat s’est rendue dans la clinique du Dr Sabri pendant une semaine afin de recevoir une formation, en octobre dernier.
«Aujourd’hui, elle est de retour dans sa communauté d’origine. Elle a créé une clinique ophtalmologique pour les enfants. Nous sommes en contact avec elle chaque semaine par télémédecine et nous voyons quelques enfants de cette manière», détaille le Dr Sabri.
«C’est une chose importante que nous voulons développer, pour former les jeunes de chaque communauté à devenir des techniciens pour leur propre communauté. Cela permet de redonner à la communauté, ça rend le projet durable», ajoute-t-il.