De Beauceville à Kaboul

PORTRAIT. En 2009, Sam Howard s’envole pour l’Afghanistan pour intégrer le détachement du Sniper 66 Bravo. Pendant sept mois, avec les collègues de son unité, il se cachera dans les montagnes pour épier les moindres gestes des Talibans.

L’aventure des quatre membres de cette équipe est d’ailleurs racontée dans un livre écrit par l’un deux, Olivier dit Wali, qui s’intitule Mission : tireur d’élite, l’histoire de quatre tireurs d’élite en Afghanistan. Une lecture qui démystifie le travail de ces hommes de l’ombre.

Le cinéma étatsunien présente souvent les snipers comme des machines à tuer. Or, le véritable rôle de ces unités d’élite est mal compris. En fait, l’utilisation de leurs armes sophistiquées, qui peuvent atteindre une cible à plus d’un sinon deux kilomètres de distance, n’est permise qu’en tout dernier recours.

« Le travail du sniper consiste principalement à se cacher pour observer les mouvements dans certains villages, identifier les caches d’armes, empêcher la pose de mines et tout le reste. Nous pouvons ensuite transmettre ces informations au commandement pour les opérations futures », indique le sergent Howard.

Avec le temps, les tireurs d’élite apprennent à décoder le moindre signe qui se passe sur le terrain. « Par exemple, si nous constations que les femmes et les enfants quittaient discrètement le village, nous pouvions alors être assurés qu’une attaque était sur le point de se produire ».

Il existe également un code d’éthique strict qui exige d’être sûr à 100 % que l’élimination de la cible est nécessaire pour la sécurité des membres des forces armées. « À plusieurs occasions, nous avons eu des cibles dans notre ligne de mire, mais nous ne tirions pas, au cas où, par erreur, nous aurions tué un simple civil ».

Le plus difficile, ce sont les enfants. « Les talibans utilisaient des enfants pour faire le guet, en sachant que jamais nous n’allions tuer une jeune fille ou un jeune garçon. Souvent, nous tirions un coup de semonce à leur proximité, ce qui permettait de s’enfuir ».

Ainsi, les snipers évitaient que les enfants ne soient inutilement tués dans une guerre dans laquelle ils étaient complètement étrangers.

Le sifflement des balles

« Les premières fois que tu entends siffler les balles autour de toi, tu te poses plein de questions, tu te demandes pourquoi tu es là, pourquoi ils te tirent dessus. Puis, avec le temps, on dirait qu’on s’habitue à ce danger continuel, qu’on devient déconnecté de la réalité ».

Le plus pénible, ce n’est pas tellement pour les militaires sur le terrain, mais pour leurs familles au Canada qui se demandent toujours s’ils reviendront en vie.

« Dans le temps, je n’avais pas d’enfants et je débutais ma relation avec -Julie. C’est sûr que c’est inquiétant pour la famille qui reste au Canada. Certains de mes collègues mentaient régulièrement à leur épouse en leur disant que tout se passait bien, qu’il n’allait pas au combat », se souvient-il.

Certains d’entre eux craquaient sous la pression, ne voulaient plus aller au combat. Ils étaient alors retournés au pays.

Heureusement, tous les membres de son unité sont revenus sains et saufs de leur passage en Afghanistan. Mais ce n’est pas vrai pour d’autres collègues. En tout, le Canada a perdu 159 soldats dans cette guerre.

L’avenir de l’Afghanistan

Les États-Unis viennent de retirer tous leurs soldats du territoire afghan, laissant le pays à la merci des Talibans. « Ça me désole. J’ai l’impression qu’ils sont en train de perdre tout le terrain que nous avions libéré à l’époque, et que notre travail n’aura servi à rien ».

Malgré tout, Sam Howard garde de bons souvenirs de cette mission avec ses trois collègues qu’il revoit au moins une fois par année. « Je ne regrette rien, je suis en paix avec tout cela ».