«J’ai plaidé coupable pour avoir la sainte paix» – Martin Gilbert

Ayant essuyé des pertes de 1,75 M$ dans l’histoire de fraude avec Pierre Jolicoeur, l’ex-notaire de Saint-Georges, Martin Gilbert, a plaidé coupable pour se débarrasser de l’Autorité des marchés financiers (AMF). Des amendes totalisant 60 000 $ lui ont été imposées pour avoir contrevenu à une ordonnance d’interdiction d’opérations sur valeurs.

«Pierre Jolicoeur m’a volé un montant 1 485 000 $ (somme qui vient de l’héritage de sa femme) ainsi qu’un autre montant de 250 000 $. J’ai perdu 25 000 $ en frais d’avocats. Je suis âgé de 66 ans, je me suis dit ai-je quelque chose à gagner ou à perdre ? L’AMF me poursuivait pour 60 000 $ dont 40 000 $ à moi et 20 000 $ pour une compagnie qui est morte depuis trois ans. Selon mon avocat, on s’enlignait vers un procès avec des coûts astronomiques en frais. J’ai plaidé coupable pour avoir la sainte paix. J’en avais assez, je veux vivre», a partagé ce dernier.

Ce dernier craignait non seulement un long procès, mais aussi une possibilité que l’AMF appelle d’une décision qui lui aurait été favorable. Un jugement a été prononcé le 18 avril dernier, mais celui-ci a été rendu public à la mi-août.

Tout cela à cause d’une maison

L’AMF, que M. Gilbert a gentiment rebaptisé l’Autorité des «mal foutus», est sur son cas depuis six ans. Le 11 avril 2011, il a facilité la vente de la maison du Lac-Poulin de Pierre Jolicoeur. À ce moment-là, la maison n’était pas inscrite tant à l’Index immobilier qu’au Registre des droits personnels et réels mobiliers (RDPRM). Trois jours plus tard, l’AMF a bloqué la transaction et a notamment accusé le notaire de Saint-Georges d’avoir contrevenu à l’ordonnance émise en juillet 2010 interdisant Jolicoeur de toute opération sur valeurs.

Une correspondance de l’assurance responsabilité de la Chambre des notaires du Québec souligne que l’ordonnance de blocage de juillet 2010 de l’AMF ne visait aucunement le notaire Gilbert ainsi que maison de Jolicoeur. La vente n’aurait jamais dû se faire aux yeux de l’AMF qui a poursuivi le notaire qui était au courant de l’ordonnance de blocage, en tant qu’investisseurs et ayant commenté la nouvelle sur un média local.

Si l’ordonnance de blocage de juillet 2010 avait été inscrite à l’Index immobilier qu’au Registre des droits personnels et réels mobiliers (RDPRM), M. Gilbert, qui a réalisé 18 000 contrats au cours de sa carrière, n’aurait jamais facilité la vente de l’immeuble, pour laquelle il n’a pas exigé d’honoraires. Il voulait simplement venir en aide à la conjointe de Pierre dans le besoin.

La maison vendue moins cher

Martin Gilbert s’insurge aussi que l’AMF ait vendu la fameuse maison à perte après tout ce brouhaha. «Gaston Quirion a acheté la maison en 2011 pour 350 000 $, ce qui était plus élevé que l’évaluation municipale à l’époque. On s’est fait reprocher par l’AMF que la maison valait plus cher que cela (361 000 $ selon l’évaluation de la Banque nationale). L’AMF l’a saisi et a dû la supporter pendant quatre ans (taxes et entretien). Elle a été vendue le 30 avril 2015 à 330 000 $, soit 91 000 $ de moins que l’évaluation municipale. Qui va payer pour ça ?», se demande M. Gilbert. «Mais, dans mon cas, on a tapé sur le notaire», conclut-il.

Mentionnons que M. Gilbert a délaissé sa passion du notariat pour s’occuper de lui et de veiller personnellement à ses placements quotidiennement.

Quant à Pierre Jolicoeur, il a été condamné à six ans et demi de prison en 2013 qui avait floué une cinquantaine d’investisseurs pour près de 7 M$.

Le dossier est clos à l’AMF

À l’AMF, l’affaire Pierre Jolicoeur s’est soldée avec le jugement de l’ex-notaire beauceron le 18 avril dernier. «Martin Gilbert était visé par nos procédures dont on connaît l’aboutissement maintenant», constate le porte-parole de l’organisme, Sylvain Théberge.

La semaine suivant le jugement, l’accusé a reçu deux avis de jugement l’obligeant à payer des amendes totalisant 80 020 $, et non 60 000 $ comme l’imposait la cour. On lui réclame 40 010 $ à titre personnel et autant à sa société dissoute depuis le 28 avril dernier alors que la véritable amende est de 20 000 $.

«Il s’agit probablement d’une erreur, reconnaît M. Théberge. Cette société avait un administrateur et un propriétaire unique en Martin Gilbert lorsque nous avons lancé les procédures. Nous allons lui réclamer personnellement cette somme de 20 000 $ qu’il devra payer.»

Ce dernier n’a pas voulu répondre aux questions à savoir pourquoi l’ex-demeure de Pierre Jolicoeur a été vendue sous le prix de l’évaluation municipale ou encore s’il y a eu des changements de procédures afin que toute ordonnance de blocage soit inscrite à l’Index immobilier et au RPDRM afin de mieux protéger les investisseurs québécois.