« Le Canada était très estimé par les Haïtiens » – Gilles Bernier

Ancien animateur radio et député fédéral beauceron, ­Gilles ­Bernier a été ambassadeur du ­Canada en ­Haïti de 1997 à 2001. Lui et son équipe cherchaient constamment des solutions pour soutenir les citoyens victimes de la pauvreté.

« ­Comme ambassadeur, j’étais le lien officiel entre le ­Canada et ­Haïti. On travaillait entre autres à monter des politiques d’aide et de développement », se souvient M. Bernier.

­Au-delà des organismes communautaires, il discutait avec le président ­René ­Préval, le premier ministre ­Jacques-Édouard ­Alexis, des ministres et gens d’affaires. En plus du ­Canada, 17 pays possédaient une ambassade en ­Haïti.

Le rôle d’ambassadeur de ­Gilles ­Bernier ne lui permettait pas de s’ingérer directement dans la politique haïtienne. Dès le départ, ce dernier a constaté un clivage important entre la classe politique et le peuple haïtien.

« ­La corruption et la malversation étaient des choses fréquentes. Des actes criminels de politiciens passaient sous silence. Des gens d’affaires contrôlaient le gouvernement, alors que des travailleurs essentiels (infirmiers, enseignants, etc.) ne gagnaient presque rien », ­précise-t-il.

Empathie naturelle

Habile communicateur, ­Gilles ­Bernier était aussi un homme de terrain. Donnant des entrevues dans les médias locaux, il accordait une attention particulière aux discours des gens dans le besoin.

Malgré la violence et des soulèvements dans la population, il n’a jamais eu peur pour sa vie. « ­Le ­Canada était très estimé par les ­Haïtiens. Dès qu’il y avait un drapeau du ­Canada sur notre voiture de fonction, on nous laissait tranquilles », affirme M. Bernier.

Gilles Bernier discute ici avec le président René Préval.

Après les ­États-Unis, le ­Canada était le pays qui investissait le plus dans l’aide humanitaire en ­Haïti. « ­Les besoins en ressources étaient énormes. Contrairement aux ­États-Unis, on ne donnait jamais de l’argent au gouvernement, car nous ne savions pas si les ­Haïtiens en verraient la couleur. Le ­Canada achetait plutôt les biens nécessaires, comme des produits médicaux et de la nourriture », indique ­Gilles ­Bernier.

­Celui-ci a même accueilli des ­Beaucerons à l’ambassade de ­Port-au-Prince, enfants comme adultes. « ­Des écoliers de ­Sainte-Marie et ­Saint-Joseph étaient venus pour un voyage humanitaire. Placide ­Poulin (fondateur de ­MAAX) et ­Claude ­Giroux (entrepreneur) avaient été saisis par la pauvreté du pays », dit M. Bernier.

Accepter l’impossible

Haïti refait les manchettes depuis l’assassinat du président ­Jovenel ­Moïse. Le chaos existait déjà lorsque ­Gilles ­Bernier résidait en ­Haïti. Lui qui a vu des infrastructures déficientes, de la corruption et des cadavres dans les rues, il croit que ce pays s’enlisera davantage dans la misère et la désolation.

« C’est impossible de ramener la loi et l’ordre en ­Haïti. À ­Cité-Soleil (arrondissement de ­Port-au-Prince), les rues sont contrôlées par des criminels. Ça prendrait un miracle. La politique haïtienne reste complexe et cahoteuse », mentionne M. Bernier.

Sa plus grande fierté ? ­Sous sa gouverne, beaucoup de bébés haïtiens ont été adoptés par des ­Beaucerons. Plusieurs adultes ont aussi choisi d’étudier et de s’établir à ­Montréal, où la diaspora haïtienne est la plus importante au pays.

« ­Je connais une famille de ­Saint-Prosper qui a adopté cinq ­Haïtiens. Guillaume, mon ancien chauffeur et garde du corps, a obtenu sa citoyenneté canadienne. L’ambassade, c’était une grande famille. Nous devions être polyvalents, car les dossiers à traiter étaient variés », conclut M. Bernier.