Marqués à vie par le tremblement de terre en Haïti

Il y a dix ans, le 12 janvier 2010, la terre a tremblé en sol haïtien, tuant 300 000 personnes. Ricardo Lafleur et Nathacha Jean Pierre étaient à Port-au-Prince le jour de cette tragédie.

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Alors âgé de 29 ans, Ricardo Lafleur donnait un cours de danse latino. La classe se déroulait dans une grande salle servant à la danse le jour, et comme restaurant le soir.

«J’ai senti une grande vibration. Il fallait s’appuyer sur les murs pour rester debout. Dehors, tout le monde était en panique. Il y avait des blessés partout», se souvient-il.

Dans la tourmente, Ricardo Lafleur réussit à joindre son frère Junior avec son téléphone cellulaire. Blessé à la jambe gauche depuis quelques mois, Junior Lafleur ne pouvait pas se déplacer rapidement.

«La maison était une perte totale. Ma sœur était chez lui et ils sont sortis à temps», dit Ricardo, qui a toutefois perdu des amis dans la catastrophe.

Sa propre maison était encore habitable, mais Ricardo Lafleur n’y est pas retourné immédiatement. Pendant 18 mois, il a vécu dans la rue avec des sinistrés.

«Je dormais dans un grand conteneur. Les premiers mois, nous partagions tous nos biens, étant donné la grande famine. Ça s’est amélioré avec l’arrivée des ONG (organisations non gouvernementales)», précise Ricardo.

Conjoint disparu

Ricardo et Nathacha résident à Saint-Georges avec leurs enfants Christos Goudard, neuf ans, et Nabila Bastien, 15 ans. Absent : Marc-Élie Bastien, 17 ans.

Nathacha Jean Pierre travaillait dans une garderie scolaire au moment du séisme. Âgée alors de 27 ans, elle croyait qu’un camion avait frappé le mur de l’école.

«On est allé voir à l’extérieur. Les voitures se frappaient, les gens criaient. Mes enfants étaient restés chez leur grand-mère. Je ne pouvais pas les joindre. Mon cœur s’est mis à palpiter. J’ai pleuré avant de regrouper les enfants dans l’école, qui ne s’était pas effondrée», explique Nathacha.

Les enfants et la grand-mère s’en sont sortis indemnes, mais Nathacha n’a jamais retrouvé son conjoint (Max Bastien). «C’était un mécanicien. Il était parti au travail. On ne l’a jamais revu. Son corps n’a pas été retrouvé», dit-elle avec émotion.

Retrouvailles en Beauce

Avant de former un couple, Nathacha Jean Pierre et Ricardo Lafleur se connaissaient depuis plusieurs années. Nathacha est arrivée à Saint-Georges en 2011 et Ricardo en 2018.

Nathacha a d’abord été soudeuse chez Rotobec, à Sainte-Justine. Elle est maintenant aide de service pour des établissements du Centre de santé et de services sociaux Chaudière-Appalaches (CISSS-CA).

Sans emploi, Ricardo attend toujours l’obtention de son statut comme résident permanent canadien. S’il n’est pas retourné en Haïti depuis son arrivée au Québec, Natacha l’a fait en avril 2018.

«Je suis allé chercher mon plus jeune fils chez sa grand-mère pour le ramener au Québec. J’avais le cœur brisé. La situation en Haïti s’était dégradée depuis mon départ», signale Nathacha.

Selon Ricardo, les résidents de Port-au-Prince n’ont pas tous profité de l’aide humanitaire. «Le gouvernement est corrompu. Les gens sont frustrés et il y a beaucoup de manifestations», affirme celui-ci.

Dans son ancien quartier, il a d’ailleurs été agressé par des bandits en 2015 et 2018. «Tous les immigrants veulent améliorer leurs conditions de vie. J’ai espoir que ça va changer (en Haïti), mais ça ne reviendra jamais comme quand j’étais petit», conclut Ricardo.