Prorogation : «chaque journée perdue est une journée de trop», dit Richard Lehoux
Le député de Beauce dénonce la pause intempestive que la fermeture du Parlement impose aux entrepreneurs et à la reprise économique dans un contexte de crise.
Selon le député fédéral, les effets de la prorogation du parlement dans le contexte de la pandémie de Covid-19 ne se limitent pas au renvoi des élus dans leurs circonscriptions respectives. Certains y font face à un certain nombre de revendications et de difficultés pour lesquelles ils n’ont aucune voie de recours, faute d’activité parlementaire.
«On a beaucoup de nos commettants qui ont des questions et malheureusement on n’a pas la possibilité de les poser en Chambre», souligne M. Lehoux, d’une voix étouffée au bout du fil. Le député conservateur se montre moins préoccupé par la survie du gouvernement libéral que «le désert» que les opérateurs économiques traversent depuis le mois de mars.
«On n’avait pas 30 jours à perdre»
«Le plus important n’est pas d’avoir des élections, mais de mettre sur pied un plan pour que la reprise économique se fasse plus vite possible», explique-t-il, ajoutant que ses services accueillent régulièrement des entrepreneurs de petites et de moyennes entreprises désemparés. Richard Lehoux décrit tristement un tableau d’incertitude selon lequel quelques entreprises qui ont pu rouvrir se meurent progressivement. En plus de la tendance à la hausse du taux de chômage, les entrepreneurs ont vu leur sempiternel problème de main-d’œuvre locale prendre de l’ampleur avec la COVID-19.
À l’exception de quelques producteurs agricoles, beaucoup avaient bouclé des recrutements à l’étranger et attendaient des effectifs.
«Notre planche de salut était l’immigration. Les gens sont prêts à venir, leurs pays les laissent partir, mais c’est le Canada qui bloque tout», révèle M. Lehoux, un brin pessimiste.
«J’ai parlé au ministre de l’Immigration il y a quelques jours, dit-il, mais ce que j’ai entendu n’est pas rassurant.» Pendant ce temps, les producteurs maraîchers paient le prix fort. D’importantes récoltes dont l’estimation est en cours sont parties en fumée en raison du manque d’effectifs.
«Ça va prendre un remède de cheval»
Selon l’élu de Beauce, les programmes portant notamment sur les subventions salariales et la prestation canadienne d’urgence auraient dû être adaptés à la situation au fur et à mesure.
«Il faut voir arriver la fin de cette subvention et penser à réformer la PCU», dit-il, insistant sur la nécessité de consulter d’autres partis de l’opposition pour sauvegarder l’employabilité et l’économie régionale.
«Depuis le 19 août dernier, on a perdu des journées précieuses», souligne l’élu, impatient d’être au 23 septembre pour la rentrée aux Communes. Dans son analyse sommaire, Richard Lehoux redoute le transfert des activités des entreprises beauceronnes de l’autre côté de la frontière, soit à environ 50 ou 60 kilomètres. Un exode économique vers les États-Unis voisins qui ne serait pas intéressant pour l’économie selon M. Lehoux, très peu enthousiaste à entendre «la potion magique» qui sortira du discours du trône.
«On a entendu plusieurs témoins depuis le 15 mars ; on avait un rapport à déposer sur la table de la ministre de l’Agriculture. Tout ce travail est sur la glace en ce moment, ce n’est pas en décembre qu’on va relancer le secteur agroalimentaire», plaide l’ancien agriculteur et membre du comité de l’agriculture à la Chambre des communes.
«Il faut aider nos entrepreneurs à reprendre le cours même s’il ne sera pas normal», alerte-t-il, redoutant les effets contre-productifs d’un cumul de grands remèdes.
Affaire We Charity
«On n’aurait pas dû arrêter les comités», soutient le député au sujet de l’affaire We Charity, l’air remonté contre ce qu’il considère comme «un couvercle sur les scandales des libéraux.»
«Le Parlement doit soutenir un nouvel agenda qui répond au Nouveau Monde dans lequel on vit», avait justifié le premier ministre Justin Trudeau le mois dernier, assurant qu’il n’augmenterait pas les charges fiscales malgré le déficit record de 343 G$.
En 2013, Stephen Harper prorogea le Parlement pour une durée plus longue. Il avait pris 181 jours pour éviter les questions sur les dépenses controversées au Sénat. Jean Chrétien quant à lui, dut en prendre 145 en 2003 pour contourner le scandale des commandites.