Être gai en région

SOCIÉTÉ. Maxim Poulin, auteur et coiffeur, nous livre un témoignage personnel sur son parcours comme gai en Beauce. Malgré l’évolution des mentalités sur le sujet, il considère qu’il reste encore du chemin à faire surtout envers les personnes transsexuelles et non binaires.

L’homme de 26 ans, originaire de Saint-Prosper, a grandi sur le territoire beauceron. Il connait bien la réalité des gais et lesbiennes dans la région. Aujourd’hui, il partage son temps entre son salon de coiffure à Saint-Prosper et sa vie conjugale avec son copain à Saint-Hyacinthe.

Harry Potter

À l’adolescence, M. Poulin croyait être bisexuel, car il aimait expérimenter avec des filles tout en étant attiré par les garçons. Il a eu ses premières relations sexuelles avec des filles à l’âge de 12 ans et avec des garçons à 18 ans. « C’était dur de trouver un gars à Saint-Prosper. Je n’avais pas d’auto et ici tous les gens connaissaient la vie des autres ».

Son premier déclic envers les hommes s’est fait en regardant les films sur Harry Potter. « Lorsque j’ai vu Harry [Daniel Radcliffe] avec sa cape et tout ça, je l’ai trouvé tellement hot ».

Dure réalité à la Polyvalente

M. Poulin considère que son passage à la Polyvalente des Abénaquis a été des plus difficiles. Durant ses études secondaires, il a vécu de l’intimidation à cause de son apparence physique. « J’avais un style emo-punk-gothic ». Les élèves l’insultaient publiquement et même sur Internet.

Lorsqu’il lit ce qui défile sur les réseaux sociaux comme TikTok, il n’en revient pas. « Ça peut tellement détruire la vie de quelqu’un en une fraction de seconde ». L’idée du suicide lui a même traversé l’esprit à cette époque-là. « Lorsqu’on te fait de l’intimidation tous les jours, toutes les récréations, ça devient insupportable ».

Il se souvient qu’on avait fait exploser son casier à la polyvalente et que les étudiants avaient volé ses objets personnels. Une nuit, alors qu’il se promenait dans la rue, une voiture s’est approchée de lui. « Les jeunes m’ont crié dessus et ils m’ont lancé des roches et de la boue ».

Il est allé voir le directeur de son école qui lui aurait répondu de changer de style vestimentaire. « J’ai parlé de ce que je vivais avec des professeurs, une en particulier, mais ils ne sont pas formés pour nous aider avec ça ». Il n’a jamais voulu faire son coming-out à l’école, car il était persuadé que l’intimidation amplifierait. « Lorsque j’en ai parlé, j’ai perdu des amies ». Cette réaction négative de certaines personnes de son cercle d’amis l’a poussé vers les drogues pendant un certain temps.

Faits vécus

Il lui est arrivé de recevoir des clients masculins, curieux de leur sexualité, à son salon de coiffure principalement pour lui jaser. « Des hommes viennent ici pour se faire couper les cheveux et commencent à me parler de sexualité ». Il se souvient qu’un client, alors qu’il préparait le terminal de carte de crédit, l’avait poussé contre le mur pour lui « proposer » de l’embrasser avec insistance.

Selon lui, certains croient que parce que tu es gai tu es attiré par tous les hommes. Il explique que tout comme les hétérosexuels, les gais ont des préférences physiques.

Sa vie d’aujourd’hui

Il est en couple avec son copain, Frédéric St-Jean, depuis plus de trois ans. « Je voulais vivre un coup de foudre et je l’ai eu avec Fred ». Son amoureux a 37 ans et vit à Saint-Hyacinthe. Il est chargé de projet dans le domaine de la construction. Les deux hommes sont fiancés.

M. Poulin est également un auteur de romans de paranormal/fantastique pour jeunes adultes. « Il y a un mois, une mère est venue me voir au Salon du livre pour me dire que sa fille avait pensé au suicide, car elle était différente des autres. En lisant mes livres, elle s’est reconnue dans le personnage et cela lui a fait du bien ».

Une évolution progressive

Il reconnait qu’une énorme évolution s’est déroulée ces dernières années dans la société. Mais, plusieurs gais et lesbiennes vivent encore leur orientation sexuelle en cachette. « Il n’y a rien pour les gais ici. On doit se rendre à Québec ». M. Poulin constate que ce sont les personnes transsexuelles et non binaires qui subissent des moments difficiles à notre époque.

Portrait de la réalité ­LGBT

• 13 % des ­Canadiens s’identifieraient comme ­LGBT.

• 40 % auraient vécu de la discrimination en lien avec leur orientation sexuelle/identité de genre.

• 75 % auraient été victime d’intimidation, de menaces ou de commentaires désobligeants.

• 58 % considéreraient que les ressources sont manquantes pour les personnes en processus de coming-out.

• 46 % considéreraient que les ­LGBT ne sont pas correctement représentés dans les médias.

*Source : sondage en ligne, réalisé par ­CROP pour la Fondation Jasmin Roy, de janvier à juin 2017 auprès de 1897 personnes LGBT et 800 personnes hétérosexuelles cisgenres (dont l’identité de genre correspond à leur sexe à la naissance).