Quand l’œil ne voit plus, la technologie vient contribuer à l’autonomie
Insidieusement, depuis plusieurs années, la vue de Françoise Poulin diminue. Aujourd’hui, elle vit de petits deuils tous les jours. Le trottoir, autrefois net et clair, est devenu dangereux, flou et inégal. Les visages disparaissent tranquillement pour ne devenir que des ombres.
Tout doucement, sans rien voir venir, Françoise Poulin de Saint-Georges a perdu peu à peu son autonomie en même temps que sa vision. Au début, ce n’était que de conduire le soir qui était difficile, mais elle a dû se résigner à vendre sa voiture. «C’est de perdre son autonomie qui est le pire», explique la dame dont la maladie évolue depuis une douzaine d’années.
Atteinte de dégénérescence maculaire, une maladie incurable qui la rendra complètement aveugle et de glaucome, Françoise Poulin, après s’être repliée sur elle-même, a de nouveau confiance en la vie et développe ses autres sens, parce qu’après tout, la vie continue.
«Je suis en bonne santé, mais je ne vois presque plus. J’ai toujours été active, j’étais agente de voyage et cuisinière», explique-t-elle. Maintenant presque cloîtrée chez elle, elle trouve les journées bien longues.
À 75 ans, la grand-mère ne peut prendre soin de ses petits-enfants même pour une courte période. «S’ils se mettent quelque chose dans la bouche, je ne le vois pas», se désole-t-elle.
Lorsque Françoise Poulin n’a plus été en mesure de pratiquer ses activités professionnelles et ne plus sortir de chez elle, la dépression a pris le pas sur la vie. «Je voyais tout en noir, je ne me sentais plus utile, je me sentais en prison, perdue», explique-t-elle.
La technologie à la rescousse
Françoise Poulin a obtenu de l’aide de Centre de réadaptation en déficience physique Chaudière-Appalaches, aujourd’hui appelé le Programme en déficience physique de Centre intégré en santé et services sociaux (CISSS) Chaudière-Appalaches.
Des outils très utiles lui ont été fournis, dont une visionneuse (appareil grossissant), un ordinateur avec un logiciel grossissant (Zoom text), une machine avec de gros boutons pour les livres audio et même le Penfriend, un outil devenu indispensable qu’elle montre avec fierté. Ce «crayon» lui permet, par exemple, de marquer ses pots d’épices avec de petits auto-collants munis de puces informatiques qui permettent au Pen Friend de lui indiquer quelle épice se retrouve dans quel pot, même s’ils sont tous pareils. Idem pour les crèmes dans la salle de bain ou les pots de pilules.
La vie sociale retrouvée
Après s’être recroquevillée sur elle-même et avoir vécu une période sombre, Françoise Poulin a choisi de se tourner vers les autres et demander de l’aide.
Elle a utilisé les services de l’INCA, l’Institut national canadien pour les aveugles, pour obtenir des cours d’informatiques. Elle qui n’avait jamais utilisé un ordinateur a appris, non pas sans difficulté, et elle affirme aujourd’hui se sentir «plus à l’aise» avec la machine. En apprenant à se servir de Facebook, elle peut maintenant prendre des nouvelles et écrire à sa famille et ses amis. «Je regarde les photos et ça me met en contact. Je les suis tous les jours. C’est plaisant, ça te fait sourire», indique-t-elle.
Grâce à l’INCA, elle a aussi pu participer à des conférences téléphoniques avec d’autres personnes qui ne voient pas. Françoise Poulin affirme que cela l’a beaucoup aidée de parler avec des gens qui ont la même problématique qu’elle et qui vivent les mêmes deuils et les mêmes combats quotidiennement.
Elle utilise assidûment la bibliothèque de livres audio de l’INCA. Le premier livre qui lui a été proposé est «La vue en rose», un livre qui a contribué à sa sortie de sa période noire. «L’héroïne vivait la même chose que moi, avait les mêmes pensées, explique Mme Poulin. Ce qui me sauve, c’est que j’aime la vie».
De nouveau souriante
Françoise Poulin est une dame chaleureuse au rire franc. «Je mets de l’humour là-dedans. Je ris de ma condition. C’est moins dur quand on en rit», raconte-t-elle. Elle assure ne pas être malheureuse du tout.
Le fait de devenir graduellement aveugle est un combat avec soi-même, estime la dame. «Le plus difficile c’est d’accepter de vivre avec toi, même si tu ne peux plus être ce que tu étais». Maintenant qu’elle y arrive, il est évident que Mme Poulin prend la vie du bon côté malgré les épreuves.
Dans son cas, la perte d’un sens a permis à un autre de se développer. Elle met beaucoup plus sa mémoire à contribution et celle-ci ne lui fait pas défaut.
La clé du succès pour Mme Poulin est : «Il faut arrêter de se plaindre et avancer. Il y en a de l’aide, il suffit de la demander».
Qu’est-ce que la dégénérescence maculaire
La dégénérescence maculaire liée à l’âge est une maladie oculaire qui est la première cause de cécité et de perte de vision au Canada. Les causes de cette maladie ne sont pas connues.
INCA
L’Institut national canadien pour les aveugles (INCA) aide les personnes ayant des problèmes de vision à acquérir les compétences et la confiance nécessaire pour mener une vie active et bien remplie.