Sortir de la rue: Une fierté inégalable pour Anne Labbé

TÉMOIGNAGE. Native de Saint-Georges, Anne Labbé avait accepté de témoigner anonymement sur sa réalité d’itinérante lors de la Nuit des sans-abri 2022. Un an plus tard, la Beauceronne a énormément cheminé. Elle est fière du chemin parcouru et a accepté de raconter son histoire à visage découvert.

En octobre 2022, Mme Labbé vivait temporairement au -Bercail afin d’être aux côtés d’un membre de sa famille malade. Quelques semaines après notre rencontre, la dame de 61 ans a été jugée assez autonome pour voler de ses propres ailes et a reçu l’obligation de quitter la maison d’hébergement. Dans les derniers mois, elle a vécu en chambres avec des colocataires à Saint-Georges et dans un appartement avec un ami à Notre-Dame-des-Pins.

« C’est une grande fierté pour moi de m’être sorti de cette vie de marde là. Je suis capable de regarder le monde dans les yeux. Avant, je me promenais dans la rue la tête baissée par peur du jugement des autres. Je craignais d’être reconnue. Il n’y avait aucun point positif à vivre une telle vie. Plusieurs personnes en meurent de ça. Moi, j’ai réussi à passer au travers et à me relever », se réjouit la Georgienne.

Aujourd’hui, elle réside seule, avec son chat, dans un appartement grâce au Programme de supplément au loyer de la Société d’habitation du Québec. Celle qui a vécu beaucoup de violence dans le passé a dernièrement résilié son bail et aménagera dans une habitation à loyer modéré en janvier 2024. S’occuper d’un animal de compagnie et avoir son propre chez-soi la rend extrêmement fière, des responsabilités qu’elle était incapable d’accomplir il y a peu de temps.

« Je trouve encore aujourd’hui très dur le regard des gens face aux sans-abris et aux consommateurs de drogue et d’alcool. Ce que les gens ne savent pas, c’est notre passé, ce que l’on a vécu. Dans mon cas, j’ai été violée et abusée, mais ç’a longtemps été un tabou dans la société. J’ai voulu camoufler ça et j’ai longtemps joué la victime au lieu de dénoncer », mentionne celle qui a avoué que la drogue, l’alcool et le gambling ont longtemps été les principales sources de ses problèmes.

Continuer d’avancer

Anne Labbé est consciente qu’elle n’est pas à l’abri d’une rechute. Elle a connu deux journées plus difficiles au cours de la dernière année, dont une tentative de suicide. « L’important, c’est de ne pas se taper sur la tête, ça fait partie du processus de guérison. En retournant dans tes mauvaises habitudes, tu apprends de tes erreurs. Je ne serai jamais guérie de mes dépendances. Alcoolique un jour, alcoolique pour toujours. »

Aujourd’hui, la Georgienne reçoit encore de l’accompagnement constant du Bercail, surtout dans l’élaboration de son budget, le paiement de ses comptes et un soutien dans les moments plus difficiles. Elle utilise régulièrement les différents services de l’organisme, l’Assiettée beauceronne et l’Accueil inconditionnel, qui lui sont d’une aide précieuse. Émilie Vachon, agente de liaison au Bercail, mentionne que l’ancienne résidente de la maison d’hébergement aide les employés de l’Assiettée beauceronne en lavant entre autres la vaisselle après les repas.

Se construire un cercle social

Dans le futur, son plus grand souhait, c’est de se construire un cercle social, outre les personnes du Bercail, et reprendre contact avec les membres de sa famille. Elle aimerait faire du bénévolat envers les aînés et parler de sa situation auprès de la population générale. Dans le passé, celle qui utilise les services du Bercail depuis une dizaine d’années a aidé et accompagné plusieurs personnes dans le besoin.

« Le temps des Fêtes, c’est le temps le plus difficile de l’année à cause de la solitude. Je regrette d’avoir fait subir ça à ma famille, mes frères et mes sœurs. J’ai été élevée dans une famille très aisée. Je n’ai manqué de rien, mais j’ai profité d’eux dans mes moments les plus noirs. J’ai encore des contacts avec mon père, mais pas régulièrement avec les autres. J’ai fait les premiers contacts auprès d’eux dans l’espoir de tous les revoir à Noël », conclut-elle.