Vallée-Jonction s’apprête à encaisser le coup

AGROALIMENTAIRE. L’usine d’Olymel à Vallée-Jonction en est finalement à sa dernière semaine d’opération. Tel qu’annoncé en avril dernier, l’abattage et la transformation du porc se terminera définitivement au cours des prochains jours. L’usine employait toujours 706 travailleurs au cours des derniers jours, dont 660 sont régie par la convention collective et une centaine de travailleurs étrangers temporaires.

Premier vice-président d’Olymel, Paul Beauchamp explique que la fermeture se fera par étape. « Mercredi, nous allons recevoir les derniers animaux vivants qui seront abattus, placés en réfrigérateur, puis découpés et désossés le lendemain. Autrement dit, les opérations, proprement dites, vont se terminer le 21 (jeudi) à l’heure du lunch. Il y aura ensuite des activités de sanitation pour fermer définitivement l’usine. »

Avec un peu de recul, M. Beauchamp réitère que la décision de fermer l’usine de Vallée-Jonction était la bonne pour la pérennité de l’entreprise. « La lecture que l’on avait de l’industrie et de son évolution, on remarque que ça ne s’est pas amélioré, autant pour les producteurs que les transformateurs. On reconnait que ce n’est pas facile pour nos travailleurs, pour leurs familles, pour le milieu, mais pour l’organisation, il fallait la prendre en avril et c’est encore la bonne. »

Les répercussions de la fermeture de l’abattoir d’Olymel à Vallée-Jonction commencent déjà à se faire sentir. Président des Éleveurs de porcs de la Beauce, René Roy indique avoir eu l’occasion de parler avec différents joueurs dans le marché, dans le but de trouver une nouvelle vocation au bâtiment de Vallée-Jonction et trouver un débouché pour le porc produit en Chaudière-Appalaches, notamment.

Plusieurs producteurs de la région commencent à ressentir les effets de l’échéance qui approche, certains ayant déjà commencé à faire des changements dans leur logistique de transport vers un abattoir. « Tous ceux qui ont à faire la transition ressentent la différence, soit financièrement ou au niveau de la logistique. En moyenne, il en coûte de 6 à 8 $ de plus pour transporter un porc à l’heure actuelle. Si certains ont choisi de diriger leur production vers Yamachiche ou Saint-Esprit, d’autres ont choisi de se déployer vers l’usine Asta de Saint-Alexandre au Bas-St-Laurent ».

De son côté, la mairesse de la localité, Patricia Drouin, ne peut que constater l’inévitable depuis un certain temps. « Nous sommes un peu inquiets, car on ne connait pas la suite des retombées économiques pour la suite des choses. On ne sait pas encore vraiment ce qu’Olymel pouvait avoir comme impact à ce niveau, autant chez-nous que partout en Chaudière-Appalaches. Tant que nous n’aurons pas un tour de roue de fait, on ne sait pas à quoi s’attendre. »

La municipalité vient d’ailleurs d’adopter son budget 2024, un budget qu’elle qualifie de prudent, surtout dans ces conditions. « Nous avons beaucoup de choses en cours, surtout avec la reconstruction du pont ferroviaire, sauf que les nouveautés ou les ajouts souhaités ne seront pas pour la prochaine année. »

L’avenir du bâtiment

Paul Beauchamp explique que l’entreprise s’attendait à recevoir des propositions pour le bâtiment et les terrains adjacents, depuis l’annonce de la fermeture en avril. Il explique que des discussions ont eu lieu avec certains groupes, mais que rien de concret n’a finalement émané, jusqu’à aujourd’hui.

Les Éleveurs de porcs de la Beauce et des producteurs indépendants avaient manifesté un intérêt de voir l’abattage se poursuivre à Vallée-Jonction. Sur ce sujet, Paul Beauchamp affirme toutefois qu’il n’y a pas eu de projet concret de présenté pour maintenir la présence de la filière à Vallée-Jonction. « Personne n’est venu nous voir pour nous demander combien cela coûterait de garder l’usine ouverte. C’est une grande usine et y opérer à faible volume n’aurait peut-être pas été une bonne idée non plus, même pour les plus téméraires. »

Sur le fait de céder l’usine à un groupe qui viendrait compétitionner l’entreprise, M. Beauchamp réitère que si des gens avaient été intéressés, l’entreprise était ouverte à écouter. « Notre idée n’était pas de priver le Québec de capacités d’abattage, mais de se recentrer vers quelque chose qui serait mieux pour nos besoins de transformation pour éviter les cycles qu’on connait. En réduisant nos abattages, nous avons un équilibre frais-transformé qui rend l’entreprise plus pérenne. On ne voulait pas se retrouver avec des porcs que nous ne pourrions pas abattre ».

René Roy avoue que la conjoncture actuelle du marché du porc n’est pas favorable aux alternatives potentielles. Les producteurs ont adopté différents modèles dans le but de s’ajuster à cette nouvelle réalité. Si certains ont cessé ou vendu leur production, pour d’autres un programme de retrait volontaire pourrait être la solution.

« Une première vague de retrait volontaire a été mise de l’avant et une autre se fera dans les prochains mois. Il faut que l’inventaire du nombre de porcs abattu au Québec diminue de 14 %. Nous en avons à peu près 4 % de fait et il en reste environ 9 % à faire à travers le programme de retrait. Il faut aussi que les abattoirs réussissent à optimiser les activités dans leurs usines pour que tous les crochets disponibles soient utilisés. »

Conscient de l’importance et de l’envergure du bâtiment abritant l’usine à Vallée-Jonction, Paul Beauchamp indique qu’Olymel entend demeurer le meilleur citoyen corporatif possible pour la communauté. Le contexte pourrait changer, après la période des fêtes, selon lui. « Il faut quand même être conscient que le bâtiment n’est pas encore libre, du contexte économique avec la hausse des taux d’intérêt, il y a une réalité pour plusieurs. Les gens sont peut-être en mode analyse. Quand il sera clair que ça servira à autre chose, je ne serais pas surpris qu’on ait des propositions plus sérieuses et de différentes sphères d’activité. Il y a une proximité évidente avec le retour du ferroviaire, alors le site à une valeur. Je serais surpris qu’il ne se passe rien. »

La mairesse de Vallée-Jonction, Patricia Drouin est un peu de cet avis. « L’entreprise laisse possiblement le temps au milieu digérer la nouvelle et l’usine cesser ses opérations avant d’entamer quoi que ce soit. On voit qu’il y a des tests de sols qui se font, alors sûrement que quelque chose va en découler, mais seulement après les fêtes. »

La station de ski

Autre entité dont l’avenir est étroitement lié à Olymel, Paul Beauchamp a voulu se faire rassurant sur le dossier de la station Ski Beauce, dont une partie des terrains appartiennent à l’entreprise. « Nous avons déjà débuté les discussions avec la municipalité pour céder la portion du centre de ski qui nous appartient et celle qui comprend aussi le chalet. On ne peut pas partir et mettre en péril cet équipement régional », convient-il.

M. Beauchamp confirme que des travaux de carottage sont en cours depuis un certain temps et estime que le tout est normal. « Nous sommes seulement en mode préparation. Si des gens se présentent pour acheter l’usine ou les terrains, nous aurons déjà des choses de faites, tout simplement. On le fait ailleurs aussi, pour s’assurer de certaines conformités. »

Mme Drouin se rassure de voir que les discussions avec l’entreprise sont positives. « Une partie des pentes appartiennent à Olymel et nous avons un bail à long terme pour l’emplacement où loge le chalet de la station. L’entreprise est ouverte à une acquisition de ces terrains et on sent leur volonté que l’on puisse préserver la station de ski ».