Le président turc essuie un revers face à l’opposition lors des élections locales

ANKARA, Turquie — Le principal parti d’opposition en Turquie a conservé son contrôle sur des villes clés et a réalisé d’énormes progrès ailleurs lors des élections locales de dimanche. 

Ces résultats ont profondément contrarié le président Recep Tayyip Erdogan, qui avait pour objectif de reprendre le contrôle de ces zones urbaines.

Avec plus de 90 % des urnes dépouillées, le maire sortant d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, du Parti républicain du peuple (CHP), était largement en tête dans la plus grande ville et pôle économique de la Turquie, selon l’agence publique Anadolu.

Mansur Yavas, le maire de la capitale Ankara, a conservé son siège avec une étonnante différence de 25 points sur son adversaire, selon les résultats.

Au total, le CHP a remporté les municipalités de 36 des 81 provinces turques, selon Anadolu, ouvrant ainsi la voie à de nombreux bastions du parti de M. Erdogan. Il a remporté 37 % des voix à l’échelle nationale, contre 36 % pour le parti présidentiel, marquant la plus grande victoire électorale du CHP depuis l’arrivée au pouvoir de M. Erdogan il y a 20 ans.

M. Erdogan a reconnu le revers électoral dans un discours prononcé depuis le balcon du palais présidentiel, affirmant que son parti avait subi «une perte d’altitude» à travers la Turquie. Le peuple a passé un «message» que son parti «analysera» en se livrant à une autocritique «courageuse», a-t-il déclaré.

«Malheureusement, neuf mois après notre victoire aux élections du 28 mai, nous n’avons pas pu obtenir le résultat souhaité lors des élections locales, a affirmé M. Erdogan. Nous corrigerons nos erreurs et remédierons à nos lacunes.»

Il s’est engagé à poursuivre le programme économique introduit l’année dernière et visant à lutter contre l’inflation.

Le vote a été considéré comme un baromètre de la popularité du président, alors qu’il cherchait à reprendre le contrôle de zones urbaines clés qu’il avait perdues face à l’opposition lors des élections d’il y a cinq ans. Les victoires du CHP à Ankara et Istanbul en 2019 ont brisé l’aura d’invincibilité de M. Erdogan.

Le principal champ de bataille du président turc de 70 ans était Istanbul, une ville de 16 millions d’habitants où il est né et a grandi et où il a débuté sa carrière politique en tant que maire en 1994.

Ce résultat a donné un nouvel élan à l’opposition, divisée et démoralisée après une défaite face à M. Erdogan et à son parti au pouvoir, le Parti de la justice et du développement (AKP), à orientation islamique, lors des élections présidentielles et parlementaires de l’année dernière.

«Les électeurs ont décidé d’établir un nouvel ordre politique en Turquie, a déclaré le leader du CHP, Ozgur Ozel, devant une foule de partisans en liesse. Aujourd’hui, les électeurs ont décidé de changer la situation en Turquie, qui dure depuis 22 ans, et d’ouvrir la porte à un nouveau climat politique dans notre pays.»

Sinan Ulgen, qui est directeur du groupe de réflexion Edam, basé à Istanbul, mentionne que «ce résultat surprenant» était dû au fait que les électeurs voulaient punir le parti au pouvoir pour «la profondeur d’un malaise économique». 

En raison de la montée en flèche de l’inflation, de nombreux ménages turcs ont du mal à s’offrir les produits de base.

Quelque 61 millions de personnes, dont plus d’un million de nouveaux électeurs, étaient éligibles pour voter pour toutes les municipalités métropolitaines, les maires de villes et de districts ainsi que les administrations de quartier.

Le taux de participation était d’environ 76%, selon l’agence publique Anadolu, contre 87% l’année dernière.

Quelque 594 000 agents de sécurité étaient en service dans tout le pays pour assurer le bon déroulement du vote. Néanmoins, une personne a été tuée et 11 autres blessées dans la ville de Diyarbakir, où un conflit sur l’élection d’un administrateur de quartier a dégénéré, a rapporté l’agence publique Anadolu. 

Au moins six personnes ont également été blessées lors des combats qui ont éclaté dans la province voisine de Sanliurfa.

Les analystes estiment qu’une solide performance du parti de M. Erdogan aurait renforcé sa détermination à inaugurer une nouvelle constitution — une constitution qui refléterait ses valeurs conservatrices et lui permettrait de gouverner au-delà de 2028, date à laquelle son mandat actuel prendra fin.

M. Erdogan, qui a présidé la Turquie pendant plus de deux décennies — en tant que premier ministre depuis 2003 et président depuis 2014 — plaide en faveur d’une nouvelle constitution qui mettrait les valeurs familiales au premier plan.