Réchauffement: craintes de propagation des maladies infectieuses

NEW YORK — Partout dans le monde, les gens vivent plus longtemps et en meilleure santé qu’il y a seulement un demi-siècle. 

Les changements climatiques menacent d’anéantir ces progrès. 

Partout sur la planète, les animaux ― et les maladies qu’ils véhiculent ― se déplacent pour s’adapter à un globe en ébullition. Et ils ne sont pas les seuls : les tiques, les moustiques, les bactéries, les algues et même les champignons sont en mouvement, déplaçant ou élargissant leur aire de répartition historique pour s’adapter à des conditions climatiques qui évoluent à un rythme sans précédent.

Ces changements ne se produisent pas dans le vide.

La déforestation, l’exploitation minière, l’agriculture et l’étalement urbain grugent les dernières zones sauvages de la planète, contribuant à la perte de biodiversité qui se produit à un rythme sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Les populations d’espèces dont l’homme dépend pour sa subsistance s’amenuisent et sont repoussées dans des zones d’habitat de plus en plus petites, ce qui crée de nouveaux foyers de maladies zoonotiques.

Pendant ce temps, le nombre de personnes subissant les répercussions extrêmes du réchauffement de la planète ne cesse d’augmenter. Les changements climatiques entraînent chaque année le déplacement de quelque 20 millions de personnes, qui ont besoin d’un logement, de soins médicaux, de nourriture et d’autres produits de première nécessité, ce qui met à rude épreuve des systèmes déjà fragiles et de plus en plus sollicités. 

Tous ces facteurs créent des conditions propices aux maladies humaines. Les maladies, anciennes et nouvelles, sont de plus en plus répandues et apparaissent même dans des endroits où elles n’ont jamais été observées auparavant. Les chercheurs ont commencé à rassembler un ensemble de preuves qui mettent en lumière la formidable menace que les maladies liées au climat représentent actuellement pour la santé humaine, ainsi que l’ampleur des dangers à venir. 

«Il ne s’agit pas d’un phénomène futur, a prévenu le docteur Neil Vora, de l’organisation à but non lucratif Conservation International. Les changements climatiques sont là. Des gens souffrent et meurent en ce moment même.»

Les recherches montrent que les changements climatiques influent sur la propagation des maladies de plusieurs manières. 

Pour échapper à la hausse des températures dans leur aire de répartition naturelle, les animaux commencent à se déplacer vers des altitudes plus élevées et plus fraîches, apportant avec eux des maladies. Cela constitue une menace pour les personnes qui vivent dans ces régions et entraîne également un dangereux mélange entre les nouveaux arrivants et les espèces existantes.

La grippe aviaire, par exemple, se propage plus facilement parmi les animaux sauvages, car la montée des eaux et d’autres facteurs poussent les espèces d’oiseaux nicheurs vers l’intérieur des terres, où ils sont plus susceptibles de rencontrer d’autres espèces. Les maladies qui passent d’une espèce à l’autre ont tendance à se propager plus facilement à l’homme. 

Les hivers plus chauds et les automnes et printemps plus doux permettent aux porteurs de pathogènes ― tiques, moustiques et puces, par exemple ― de rester actifs pendant de plus longues périodes de l’année. Des périodes d’activité plus longues signifient des saisons de reproduction plus actives et moins de victimes pendant les mois froids de l’hiver. Le nord-est des États-Unis a connu une prolifération massive de tiques à pattes noires porteuses de la maladie de Lyme au cours de la dernière décennie, les hivers plus chauds jouant un rôle décisif dans cette tendance. 

Des conditions météorologiques irrégulières, telles que des périodes de sécheresse et d’inondation extrêmes, créent des conditions propices à la propagation des maladies.

Le choléra, une bactérie transmise par l’eau, se développe pendant la mousson dans les pays d’Asie du Sud lorsque les inondations contaminent l’eau potable, en particulier dans les endroits dépourvus d’infrastructures d’assainissement de qualité. La fièvre de la vallée, un champignon pathogène qui se développe dans le sol de l’ouest des États-Unis, prospère pendant les périodes de pluie. La sécheresse sévère qui suit généralement les pluies dans cette partie du monde dessèche les spores fongiques, ce qui leur permet de se disperser plus facilement dans l’air à la moindre perturbation ― une botte de randonneur, par exemple, ou un râteau de jardin ― et de se frayer un chemin dans le système respiratoire de l’homme. 

Ces effets induits par le climat pèsent lourdement sur la santé humaine. Les cas de maladies liées aux moustiques, aux tiques et aux puces ont triplé aux États-Unis entre 2004 et 2016, selon les Centres de prévention et de contrôle des maladies. La menace s’étend au-delà des maladies à transmission vectorielle communément reconnues. Les recherches montrent que plus de la moitié des agents pathogènes connus pour provoquer des maladies chez l’homme peuvent être aggravés par les changements climatiques.

Le problème s’aggrave avec le temps. L’Organisation mondiale de la santé estime qu’entre 2030 et 2050, une poignée de menaces liées au climat, telles que le paludisme et l’insécurité de l’eau, feront chaque année un quart de million de victimes supplémentaires.

«Je pense que nous avons considérablement sous-estimé non seulement l’ampleur des changements climatiques qui modifient déjà les risques de maladie, mais aussi le nombre de types de risques qui changent», a déclaré Colin Carlson, un biologiste spécialiste du changement mondial à l’Université de Georgetown. 

Il a fait remarquer que si le lien entre les maladies transmises par les tiques et les changements climatiques, par exemple, est une entreprise scientifique relativement simple, la communauté scientifique et le grand public doivent être conscients que les effets du réchauffement climatique sur les maladies peuvent également se manifester de bien d’autres manières, moins évidentes. 

La pandémie de COVID-19 est un exemple de la rapidité avec laquelle une maladie peut se propager dans les populations mondiales et de la complexité de la réponse de la santé publique à de telles menaces. 

«Je pense qu’il y a beaucoup plus de raisons de s’inquiéter en termes de menaces épidémiques et pandémiques», a-t-il averti. 

Le monde dispose des outils nécessaires ― réseaux de surveillance de la faune sauvage, vaccins, systèmes d’alerte précoce ― pour atténuer les effets des maladies liées au climat. Certains de ces outils ont déjà été déployés à l’échelle locale avec beaucoup d’efficacité. Il reste à voir à quelle vitesse les gouvernements, les ONG, les prestataires de soins médicaux, les médecins et le public peuvent travailler au-delà des frontières pour élaborer et déployer un plan d’action mondial.