De plus en plus d’observateurs réclament une action coordonnée sur le logement

OTTAWA — Un nombre croissant d’organisations réclament que les différents ordres de gouvernement au Canada se coordonnent pour résoudre la crise du logement au pays alors que le secteur de la construction semble traîner de la patte.

En l’état actuel des choses, le Canada n’est pas en voie de construire les 3,5 millions de logements additionnels qui sont nécessaires pour rétablir l’accessibilité d’ici 2030, selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL).

Des dirigeants de l’organisme ont déclaré la semaine dernière qu’une stratégie du genre «Équipe Canada» serait nécessaire pour renverser la situation. Tous les ordres de gouvernement doivent coopérer pour s’occuper du manque de logements.

Si les diverses autorités proposent de nombreuses solutions qui sont partagées par de nombreux experts — accroître les densités de population des villes, encourager les investissements privés dans le logement, accroître le financement public des logements sociaux — personne n’a encore présenté un plan pour réaliser ces changements ambitieux à l’échelle gouvernementale.

Les politiciens préfèrent se blâmer les uns et les autres, ciblant plus particulièrement les municipalités qui s’opposent à de nouveaux projets de construction.

«Aucun ordre de gouvernement ne contrôle l’ensemble des leviers politiques qui influencent la demande et l’approvisionnement en logements. Si c’est un problème si difficile à résoudre, c’est à cause de cette désignation de bouc émissaire, soutient Mike Moffatt, un professeur adjoint à l’Université Western. On a besoin d’une sorte de table ronde nationale ou d’un plan unifié regroupant le gouvernement fédéral, les provinces et certaines des plus grandes villes du pays.» 

Le Pr Moffatt lance un signal d’alarme: il y aura des conséquences politiques à l’échec dans ce domaine. Il dit que les jeunes pourraient bien ne plus croire au système politique à cause de la crise du logement.

«Je n’ai jamais vu une cohorte de jeunes de 22 ans aussi en colère et prêts à brûler le système que celle à qui j’ai enseigné au cours des dernières années. Je ne peux pas les blâmer. Ils ont l’impression que leur avenir leur a été volé, qu’ils ne pourront jamais pouvoir acheter une maison.»

L’ancien conseiller économique de Justin Trudeau raconte que les libéraux ont été élus en 2015 en partie parce que les jeunes se sont mobilisés autour des engagements progressistes au parti, notamment la légalisation du cannabis. Ces mêmes jeunes peinent à trouver une propriété qu’ils pourront s’acheter.

«Il existe un vrai risque que ceux qui ont fait élire les libéraux en 2015 soient ceux qui contribuent à leur défaite aux prochaines élections fédérales», avance le Pr Moffatt.

Les demandes d’une action urgente sur le logement viennent de tous les horizons. Le Fonds monétaire international a récemment recommandé qu’un forum de discussions permanent soit établi entre les différents ordres de gouvernements et les actionnaires afin de trouver des façons d’encourager la construction de logements.

En mai, le Mouvement Desjardins publiait un rapport dans lequel on pouvait lire que «les logements sont beaucoup moins abordables pour les jeunes d’aujourd’hui que pour ceux et celles des générations précédentes». 

«Nous ne prévoyons pas d’amélioration notable au cours des prochaines années», écrivent les auteurs.

Le rapport souligne aussi que ce problème d’abordabilité a une influence sur les choix des jeunes. Les jeunes qui doivent consacrer plus de 30 % de leur budget pour se loger ont des enfants à un plus vieil âge, par exemple.

Le chef conservateur Pierre Poilievre y voit une occasion de faire des gains électoraux. Il s’adresse souvent à eux lorsqu’il fait référence à «ces jeunes de 35 ans qui vivent dans le sous-sol de leurs parents» à la Chambre des communes.

Selon le Pr Moffatt, les jeunes hommes peuvent être réceptifs à ce discours, même si les conservateurs ne sont pas si différents du gouvernement fédéral dans leurs propositions pour régler la crise.

«Il existe si peu de différences entre les libéraux et les conservateurs sur le plan des politiques en habitation. Tous deux veulent essentiellement utiliser les pouvoirs fédéraux de dépenser pour tenter d’amener des changements dans les municipalités.»

M. Poilievre a menacé de retenir le financement fédéral aux villes qui ne construisent pas assez de logements. De son côté, le gouvernement fédéral a lancé le Fonds pour accélérer la construction de logements offrant de l’argent aux municipalités pour les inciter à accroître l’offre de logements.