Des capteurs souples imaginés à Montréal pourraient remplacer le stéthoscope

MONTRÉAL — Des capteurs souples imaginés par un médecin montréalais pourraient remplacer l’utilisation du stéthoscope dans certaines situations, notamment auprès des bébés prématurés. 

Placés directement sur la peau du bébé, ces capteurs surveillent et cartographient en continu et en temps réel les sons à l’intérieur du corps du patient ― par exemple, les bruits de la respiration ou de la digestion ― ce qui fournit au personnel soignant des informations qui vont bien au-delà des mesures épisodiques obtenues lors d’examens médicaux occasionnels. 

«Je voulais vraiment avoir une version miniaturisée du stéthoscope, mais qui allait un peu plus loin que le stéthoscope dans le sens que ce n’est pas seulement mon oreille qui écoute l’air qui entre et l’air qui sort, mais plutôt le faire de façon intelligente», a expliqué l’idéateur du produit, le docteur Wissam Shalish, un néonatologiste de l’Hôpital de Montréal pour enfants qui est aussi le co-premier auteur d’une étude publiée récemment par le journal «Nature Medicine».

«Souvent, les alarmes sonnent et quand on arrive au chevet (du patient), on ne sait pas trop ce qui est arrivé parce que c’est trop tard. Avoir des capteurs comme ça, ça nous permet de mieux comprendre pourquoi ça a sonné, et ces données-là nous aident au chevet.» 

Le docteur Shalish et ses collègues, notamment à l’université américaine Northwestern, ont testé les appareils sur quinze bébés prématurés souffrant de troubles respiratoires et intestinaux et sur cinquante-cinq adultes, dont vingt qui présentaient des maladies pulmonaires chroniques. 

Mesurant 40 millimètres de long et 20 millimètres de large, et épais de seulement huit millimètres, les capteurs renferment entre autres des microphones et des accéléromètres très sophistiqués qui créent «un réseau complet de détection non invasif». Leur capacité Bluetooth permet une transmission sans fil des données enregistrées. 

Les appareils, assure-t-on par voie de communiqué, «ont donné des résultats d’une précision de niveau clinique», en plus d’offrir «de nouvelles fonctionnalités qui n’avaient jamais été développées ni introduites dans la recherche ou les soins cliniques». Ils sont par exemple en mesure de départager les sons qui proviennent de l’intérieur du bébé des sons qui proviennent de son environnement. 

Un chercheur de Northwestern a comparé les dispositifs à plusieurs médecins hautement qualifiés qui écoutent «simultanément différentes régions des poumons à l’aide de leur stéthoscope». 

D’ailleurs, ce sont là les deux principales clientèles que ciblent les chercheurs pour le moment: les nouveau-nés de l’unité des soins intensifs en néonatalogie et les adultes ayant subi une intervention chirurgicale, par exemple une résection qui a réduit leur capacité pulmonaire.

«Je peux imaginer un scénario avec un patient qui est intubé et ventilé, a dit le docteur Shalish. Souvent, le tube n’est pas à la bonne place ou une partie du poumon s’affaisse, et l’entrée d’air est diminuée d’un côté par rapport à l’autre.»

Présentement, poursuit-il, la seule façon de détecter le problème serait d’écouter chaque côté avec un stéthoscope, de comparer les sons et d’essayer de déterminer, de manière subjective, si un côté semble recevoir plus d’air que l’autre. Les capteurs pourraient être plus efficaces en surveillant et en comparant les deux côtés en temps réel.

Les apnées, par ailleurs, sont très fréquentes chez les prématurés et sont une cause majeure d’hospitalisation prolongée, voire de décès, puisqu’une obstruction des voies respiratoires vient alors restreindre le flux d’air. 

Le nouveau dispositif permet de surveiller en continu la respiration des bébés et même de diagnostiquer les sous-types d’apnée. Par exemple, si des capteurs étaient placés du côté gauche et du côté droit de la poitrine, le personnel soignant pourrait être rapidement alerté si on détectait que l’entrée d’air est réduite d’un côté par rapport à l’autre.

Les dispositifs amélioreraient aussi le confort des bébés en leur évitant d’être déshabillés et auscultés par une succession de médecins et d’infirmières, a dit le docteur Shalish.

«Et des études ont démontré qu’il y a beaucoup de bactéries sur les stéthoscopes, a-t-il souligné. Si on peut réduire le va-et-vient, c’est (un risque de transmission) de moins.»

Les capteurs pourraient enfin être utilisés pour surveiller les bruits intestinaux des nouveau-nés, puisqu’une diminution de ces bruits pourrait annoncer un problème. Une augmentation de ces bruits, en revanche, pourrait démontrer que la santé du petit patient s’améliore, par exemple dans les jours qui suivent une chirurgie gastro-intestinale.

D’autres études sont en cours pour continuer à valider l’efficacité des capteurs. Les chercheurs collaborent aussi avec des partenaires pour mettre au point une version commerciale de leur produit.