Des médecins dénoncent la hausse des rejets de nickel dans l’air

MONTRÉAL — À la veille de l’entrée en vigueur d’une norme qui permettra d’augmenter de cinq fois la limite quotidienne d’émissions de particules de nickel dans l’air, des médecins dénoncent la décision du gouvernement Legault qui continue de faire face à une véritable levée de boucliers. 

Mercredi matin, Québec solidaire a demandé au gouvernement de suspendre le décret qui donnera le feu vert à la hausse des émissions de nickel dans l’air. Selon le député Sol Zanetti, la saga du nickel est devenue «le symbole de l’indifférence de la Coalition avenir Québec envers la santé des citoyens et envers l’environnement» pour «faire plaisir aux minières». 

La demande d’augmentation de la norme vient des compagnies minières, dont Glencore, qui possède des installations dans le port de Québec et le projet a provoqué une controverse et une mobilisation, notamment dans le secteur de Limoilou. 

En conférence de presse, le député solidaire a dénoncé le manque de rigueur scientifique du gouvernement dans le dossier et demandé de suspendre le décret «jusqu’à ce qu’il y ait une vraie étude indépendante qui tienne compte de toutes les critiques scientifiques et méthodologiques» au sujet de la nouvelle norme. 

Des données erronées, selon des médecins 

La modification réglementaire prévoit que le maximum des émissions de nickel dans l’air permises passera de 14 nanogrammes par mètre cube (ng/ m3) à 70 nanogrammes, soit cinq fois plus que la norme actuelle. 

Le gouvernement justifie la hausse des émissions en évoquant notamment des normes plus permissives dans d’autres juridictions. 

«La nouvelle norme quotidienne de 70 nanogrammes par mètre cube (ng/m3) ainsi qu’une norme annuelle de 20 ng/m3 permettent au Québec de s’ajuster aux normes en vigueur ailleurs au Canada, notamment en Ontario, ainsi qu’en Europe», peut-on lire dans le projet de règlement du gouvernement. 

Mais cet argument est remis en question, notamment par l’Association québécoise des médecins pour l’environnement (AQME). 

«Ça repose sur une erreur fondamentale, car la norme qui a été adoptée en Europe et la norme adoptée en Ontario reposent sur une composition de l’air en nickel qui est différente de celle de la ville de Québec», a indiqué Johanne Elsener, médecin vétérinaire et porte-parole de l’AQME. 

Mme Elsener, qui a corédigé un mémoire sur le nickel pour l’AQME, a expliqué qu’en Europe comme en Ontario, «la composition de l’air a une prédominance de sulfate de nickel» alors que le nickel présent dans la ville de Québec «est ce qu’on appelle le sulfure de nickel». 

Or, pour ce type de nickel, «la norme qui est recommandée par l’Organisation mondiale de la santé est de 3 ng/m3 et non pas de 20 ng/m3», a indiqué Mme Elsener en invitant le gouvernent à baser sa réglementation sur le type de nickel présent dans l’air à Québec plutôt qu’en Europe. 

La Dre Elsener a fait remarquer que d’autres États, comme l’Australie-Occidentale, ont «le même type de nickel dans l’air qu’à Québec» et «eux, ils ont adopté une norme annuelle de 3 ng/m3». 

Des études plus récentes 

Selon Johanne Elsener, les études de toxicologie sur lesquelles s’est basé le ministère de l’Environnement pour établir la nouvelle norme ne tiennent pas compte de certains effets potentiels sur la santé, découverts récemment. 

«Leur revue littéraire s’arrête en 2011», a indiqué la Dre Elsener, avant d’ajouter que l’AQME a «fait une revue littéraire jusqu’en 2022» et «qu’on sait maintenant que les polluants atmosphériques, en plus de causer des effets respiratoires et des effets cancérigènes, sont maintenant associés à des maladies cardiovasculaires, à des décès prématurés et à des problèmes aussi au niveau du cerveau comme la maladie d’Alzheimer et des retards de développement cognitif chez les enfants, et ces études-là sont toutes récentes». 

Le Collège des médecins appelle également le gouvernement à revoir sa décision. 

«Le Collège des médecins dénonce la décision du gouvernement autorisant une hausse des normes de nickel au Québec, car elle aura malheureusement des conséquences néfastes sur la santé de la population. Priorisons notre santé», a écrit l’association dans un courriel transmis à La Presse Canadienne. 

Le gouvernement fait face à une véritable levée de boucliers depuis qu’il a pris la décision de hausser la limite de nickel permise dans l’air. Elle a été décriée par l’ensemble des 18 directions régionales de santé publique du Québec, par le conseil municipal de Québec, par l’Ordre des chimistes, le Collège des médecins, les trois principaux partis d’opposition, des groupes environnementalistes, ainsi que par une foule de regroupements de citoyens de Québec et de Rouyn-Noranda, deux municipalités où les rejets de nickel sont suivis de près. 

La Presse Canadienne a tenté de faire réagir le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques sur les inquiétudes des médecins mercredi, mais une porte-parole a répondu que le ministère «ne pouvait garantir un retour aujourd’hui». 

Il y a quelques semaines, le ministre de l’Environnement, Benoit Charrette, avait expliqué que la décision de son gouvernement «a été cautionnée à chacune de ces étapes par la santé publique nationale, et encore récemment, dans les dernières semaines, le Dr (Luc) Boileau (directeur national de la santé publique) a pu confirmer que les études étaient valables, que la décision de changer cette norme était valable et qu’elle se justifiait au niveau scientifique».