Enquête du coroner sur la mort de l’Autochtone Chantel Moore, abattue par la police

FREDERICTON — La mère d’une Autochtone qui a été abattue par des policiers du Nouveau-Brunswick en 2020 a déclaré devant la coroner lundi qu’il s’est écoulé moins de deux heures entre le moment où elle a été réveillée au milieu de la nuit par des policiers et le moment où on lui a appris que sa fille avait été tuée.

Martha Martin fait partie des premiers témoins à avoir été appelés à témoigner devant la coroner Emily Caissy pour son enquête concernant le décès de Chantel Moore, qui a été tuée à l’âge de 26 ans par la police municipale lors d’un «contrôle de bien-être», le 4 juin 2020, à Edmundston, au Nouveau-Brunswick.

Mme Martin a raconté que l’agent Jeremy Son a frappé à sa porte à 2 h 30 cette nuit-là pour l’informer que l’on craignait pour la sécurité de sa fille. Selon ce que lui a expliqué le policier, l’ex-conjoint de sa fille avait appelé la police parce qu’il craignait pour sa sécurité.

Mme Martin a donc donné à l’agent Son l’adresse du nouvel appartement de sa fille, puis le policier est parti. Mais à 4 h 19, on a de nouveau frappé à sa porte.

«C’étaient deux policiers qui venaient m’apprendre qu’on avait tiré sur ma fille, a-t-elle dit en sanglots. Ils m’ont appris que ma fille avait été abattue.»

Selon Mme Martin, sa fille était une personne extravertie et attachante. Elle venait tout juste de déménager au Nouveau-Brunswick afin de prendre un nouveau départ.

«Elle se faisait des amis partout où elle allait, a raconté Mme Martin. Elle aimait tout le monde et elle serait allée au bout du monde pour aider des amis ou sa famille.»

Une situation inquiétante

Plus tôt lundi, l’ex-conjoint de Chantel Moore, Jonathan Brunet, a raconté comment s’est déroulée leur séparation en mai 2020, alors que lui vivait au Québec et elle au Nouveau-Brunswick.

«Elle avait de l’énergie et elle souriait tout le temps, a-t-il raconté par visioconférence. Il y avait toujours une ambiance positive autour d’elle.»

M. Brunet a expliqué avoir reçu des messages textes quelques heures avant le décès de son ex-compagne. À un certain moment, il s’est demandé si les messages n’étaient pas envoyés par une autre personne.

Il a cru comprendre que les messages n’étaient plus envoyés par Mme Moore, mais par une autre personne se trouvant avec elle dans son appartement, et que cette autre personne était sur le point de blesser Mme Moore.

M. Brudet a tenté de joindre des amis ou la famille de Mme Moore, mais personne ne lui a répondu en ce début de nuit. Il a donc appelé la police. «Je n’étais pas sûr qu’ils allaient me croire, mais j’étais inquiet», a-t-il souligné lundi.

Une amie de Mme Moore est aussi venue livrer son témoignage devant la coroner. Chelsea Ouellette a raconté qu’elle avait passé la soirée avec Mme Moore à boire de la bière et du rhum. Elle a décrit cette soirée comme un bon moment et a assuré que Mme Moore ne semblait pas en état d’ébriété.

Mme Ouellette a quitté l’appartement de Mme Moore vers minuit, mais elle s’est aperçue qu’elle avait oublié son portefeuille. Elle est donc retournée à l’appartement vers 1 h.

À son retour, Mme Ouellette a constaté que son amie discutait en visioconférence avec quelqu’un d’autre et que la conversation était toujours en cours lorsqu’elle est repartie, environ cinq minutes plus tard.

Le jury choisi

Un jury de trois femmes et deux hommes a été choisi lundi matin pour l’enquête de la coroner, qui devrait s’échelonner sur toute la semaine. Au début de la procédure, la coroner Caissy a rappelé qu’une enquête du coroner n’est pas un procès: elle ne vise pas à attribuer de responsabilité dans cette fusillade mortelle.

Le jury devra plutôt formuler des recommandations visant à prévenir des décès dans des circonstances similaires à l’avenir.

La police soutient que Chantel Moore était en état d’ébriété lorsqu’elle a été abattue sur le balcon de son appartement après avoir apparemment approché un policier avec un couteau, le 4 juin 2020.

T.J. Burke, l’avocat de la famille, a déclaré à l’extérieur de la salle d’audience que la police d’Edmundston n’avait pas les outils nécessaires pour désamorcer une situation sans recourir à une force mortelle. Il prévoit d’ailleurs déposer mardi une poursuite contre la Ville et le policier.