Entente particulière employeur-employé: le Tribunal conclut à l’entrave au syndicat

MONTRÉAL — Le Centre universitaire de santé McGill (CUSM) a entravé les activités du syndicat APTS en négociant directement des ententes particulières avec des employés qui sont membres du syndicat, sans passer par lui.

Le Tribunal administratif du travail vient ainsi de donner raison à l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), dans une cause qui porte sur le droit d’un employeur de conclure directement des ententes avec des employés, lorsqu’il y a un syndicat reconnu dans l’établissement.

Les deux ententes particulières visées par la plainte prévoyaient le prêt de services d’un agent de planification, programmation et recherche du CUSM au ministère de la Santé et des Services sociaux. Elles étaient signées par l’employeur, l’employé et le ministère seulement; le syndicat n’avait pas été consulté ni impliqué dans la conclusion des contrats, rapporte le Tribunal.

Il était convenu que l’agent travaillerait dans une autre fonction au sein d’une direction du ministère plutôt qu’au CUSM pendant une période prédéterminée. Il était précisé que le lien d’emploi avec le CUSM serait maintenu et que l’agent serait réintégré au sein de ce dernier, une fois l’entente terminée. L’entente prévoyait un lieu habituel de travail non visé par l’accréditation syndicale.

Le CUSM avait plaidé qu’il avait simplement usé de son droit de gérance et qu’il n’avait pas contrevenu à la convention collective, puisque celle-ci était silencieuse au sujet des prêts de services.

Il avait aussi plaidé que le recours était théorique, puisque les deux ententes particulières n’étaient plus en vigueur.

Mais le Tribunal en a décidé autrement. «Même s’il est exact d’affirmer que la convention collective est muette sur la possibilité d’établir des prêts de services, l’employeur conclut erronément qu’il peut alors tout simplement exercer ses pouvoirs résiduels de direction pour convenir directement des ententes avec les salariés».

Le juge administratif Michel Maranda rappelle que «le syndicat est l’interlocuteur obligé avec lequel l’employeur doit négocier». Il cite la Cour suprême du Canada, qui a déjà statué qu’ «en raison de sa fonction de représentation exclusive, la présence du syndicat forme écran entre l’employeur et les salariés. L’employeur est privé de la possibilité de négocier des conditions de travail différentes avec les salariés individuels».

Le Tribunal souligne qu’ «un employeur raisonnable ne pouvait ignorer que cela constitue un obstacle à la mission syndicale de représentation de ses membres et une contravention directe à son monopole de représentation».

Il conclut que l’employeur a «fait preuve d’imprudence grave en signant des ententes particulières directement avec les salariés sans intervention du syndicat».

Il conclut donc que le CUSM a cherché à entraver les activités de l’APTS, lui ordonne de cesser de le faire et d’afficher une copie de sa décision dans cinq endroits sur les lieux de travail.