Gains en capital: un vote aura lieu mardi, les yeux rivés vers les conservateurs

OTTAWA — Les conservateurs de Pierre Poilievre devront prendre position au plus tard mardi concernant la mesure qui vise à augmenter l’impôt sur les gains en capital de plus de 250 000 $, alors que les libéraux forceront un vote sur la motion de voies et moyens qu’ils ont déposée lundi.

Lors d’un point de presse dans le foyer de la Chambre des communes, la ministre des Finances, Chrystia Freeland, a appelé les Canadiens à prendre note des députés qui s’opposent à ces changements et à réfléchir à «leurs motivations».

«Prêtez attention à ceux qui défendent un régime fiscal qui favorise les mieux nantis, à ceux qui s’apposent à une plus grande équité fiscale pour tout le monde, à ceux qui veulent que les millionnaires qui ont réalisé de gros gains sur les investissements paient moins d’impôts qu’une enseignante ou une infirmière, qu’un charpentier ou un plombier», a-t-elle dit.

Les conservateurs, qui refusent jusqu’à présent de se prononcer sur la mesure contenue dans le budget du mois d’avril, devront se brancher rapidement puisque le vote aura lieu mardi, selon ce qu’a lâché Mme Freeland après avoir laissé entendre qu’elle ne tente pas de les faire mal paraître.

À l’heure actuelle, les Canadiens qui réalisent des gains en capital, généralement lors de la vente d’un actif comme des actions ou un logement locatif, ne paient de l’impôt que sur la moitié du profit. Cela demeure un taux préférentiel aux revenus de travail qui, eux, sont imposés à 100 %.

La motion libérale propose d’augmenter ce taux d’inclusion aux deux tiers pour la portion dépassant les 250 000 $. La vente d’une résidence principale est – et resterait – exemptée d’impôt.

«Par exemple, un couple qui possède un immeuble locatif ne paiera aucun impôt supplémentaire sur les premiers 500 000 $ de profits d’une vente», a illustré Mme Freeland.

La ministre a insisté que la mesure fiscale mènera ainsi «un petit nombre» de Canadiens «bien nantis» à payer «un peu plus» d’impôts, ce qui permettra d’investir dans la construction de logements, le programme de soins dentaires, celui d’alimentation scolaire ou encore dans les services de garde.

Peu après le dépôt du budget, le premier ministre Justin Trudeau avait affirmé devant son caucus viser ainsi à ce que «les ultrariches» paient «leur juste part».

En fait, Ottawa calcule que la mesure touchera 0,13 % de la population et qu’elle générera des revenus de 19,4 milliards $ sur cinq ans.

Agacement des conservateurs

Une porte-parole conservatrice, Marion Ringuette, a indiqué que les conservateurs n’ont pas encore déterminé la façon dont ils voteront sur la motion et qu’ils sont toujours à l’étudier.

Elle a néanmoins semblé préparer le terrain à ce que les troupes de Pierre Poilievre votent contre en jugeant que la mesure libérale est ni plus ni moins qu’«une taxe sur les soins de santé, la construction de logements, les petites entreprises, les agriculteurs et les retraites».

«Les médecins, les propriétaires de petites entreprises et les Canadiens qui épargnent pour leur retraite se sont tous opposés à la prochaine hausse de taxes de Trudeau, mais ce dernier cherche désespérément à financer les 61 milliards de dollars de nouvelles dépenses inflationnistes annoncées dans le dernier budget», a-t-elle affirmé.

Une source gouvernementale de l’entourage de Mme Freeland qui n’était pas autorisée à s’exprimer publiquement a déclaré que si les conservateurs votent contre la motion, cela démontrerait que ce sont «franchement des faux populistes» et que «leurs amis lobbyistes ont beaucoup de pouvoir au sein de leur caucus».

Le discours des conservateurs a de grandes similitudes avec celui de la Chambre de commerce du Canada qui considère que cette hausse d’impôts «crée de l’incertitude, freine l’investissement et incite le monde entier à aller brasser des affaires ailleurs».

«L’équité générationnelle devrait tenir compte des mesures que nous prenons aujourd’hui au détriment de notre prospérité future et de nos opportunités économiques», soutient sa directrice en matière de politique fiscale, Jessica Brandon-Jepp, dans une déclaration transmise en anglais.

Au Bloc québécois, Joanie Riopel, la porte-parole du chef Yves-François Blanchet, a également indiqué que la formation politique est à étudier la motion et qu’elle n’est pas en mesure de se prononcer pour le moment. Le parti note cependant être a priori favorable au principe d’augmenter le taux d’inclusion sur les gains en capital comme proposé dans le budget d’avril.

En retirant la mesure du projet de loi budgétaire auquel le Parti conservateur du Canada et le Bloc québécois s’opposent, les libéraux forcent ainsi ces deux adversaires à révéler le fond de leur pensée.

Bien que ce soit un moment charnière, le vote de mardi n’est que la première étape du processus législatif pour modifier la loi sur les impôts. Une source libérale qui n’était pas autorisée à s’exprimer publiquement a indiqué que le gouvernement projette de publier une proposition législative cet été et ensuite un projet de loi.