La loi Françoise David a eu des effets pervers, soutient Duranceau

QUÉBEC — La loi Françoise David, adoptée en 2016 et visant à mieux protéger les aînés des évictions, a provoqué des effets pervers, a soutenu la ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau. 

«Il y a quelques années, Québec solidaire (QS) a fait adopter une loi qui interdit aux propriétaires d’évincer une personne de plus de 70 ans qui vit dans son logement depuis plus de 10 ans et qui a un revenu modeste. Je pense que c’est une bonne mesure. Cependant, elle a eu un effet négatif, celle de rendre les propriétaires hésitants à accepter des locataires aînés», a expliqué la ministre lors du débat sur le principe du projet de loi 198 de QS qui vise justement à élargir la portée de la loi Françoise David. 

Des propos qui ont vivement fait réagir des groupes de défense des locataires. «C’est inacceptable qu’une ministre de l’Habitation se montre complaisante envers des propriétaires qui disent vouloir faire de la discrimination», a affirmé le porte-parole du RCLALQ, Cédric Dussault, lors d’un point de presse à l’Assemblée nationale jeudi.

«La discrimination dans l’accès au logement au Québec, c’est illégal», a renchéri la porte-parole du FRAPRU, Véronique Laflamme. 

Questionnée à savoir s’il était vrai que des propriétaires hésitaient à prendre des locataires aînés, la présidente de la FADOQ, Gisèle Tassé-Goodman, a répondu: «Oui, et c’est de l’âgisme. Il faut bannir l’âgisme.»

L’objectif du projet de loi solidaire est d’élargir les critères de la loi Françoise David afin d’inclure notamment les personnes de 65 ans et plus qui vivent dans leur logement depuis au moins cinq ans.

«On vit d’espoir en ce moment»

Le débat sur le principe de la pièce législative a eu lieu jeudi après-midi. La ministre a de nouveau défendu son projet de loi 31, adopté en février, en affirmant qu’il protégeait tous les Québécois, peu importe leur âge.   

Le débat s’est terminé sans qu’il y ait de vote, ce qui fait dire au caucus solidaire qu’il reste encore une chance que son projet de loi soit adopté, tout en admettant que le gouvernement pourrait ne jamais le rappeler. «On vit d’espoir en ce moment», a affirmé la députée solidaire Christine Labrie, en ajoutant que son parti était «parlable».

Bien que le gouvernement caquiste ait accepté d’appeler le projet de loi solidaire, il a envoyé des signaux, plus tôt cette semaine, montrant qu’il avait bien peu d’ouverture à le faire adopter. 

QS a consacré la journée de jeudi à la défense de son projet de loi. Les députés solidaires se sont levés en période de questions pour interpeller la ministre de l’Habitation. Selon France-Élaine Duranceau, la crise du logement est causée par la trop faible offre de logements, et par conséquent, «il ne faut pas créer un contexte coercitif dans l’ensemble du territoire québécois. Il faut plutôt encourager à construire».

Le Parti libéral et le Parti québécois sont favorables au projet de loi. Le chef péquiste, Paul St-Pierre Plamondon, n’a toutefois pas caché son agacement sur la manière dont QS a remis l’enjeu de la protection des locataires aînés dans l’espace public. 

«QS a négocié directement avec la CAQ pour obtenir un moment médiatique», a-t-il affirmé.

Rappelons que l’appel du projet de loi solidaire avait fait l’objet de tractations en coulisses entre Simon Jolin-Barrette et le leader parlementaire de QS, Alexandre Leduc. QS s’engageait à ce que l’adoption par bâillon du projet de loi 15 sur le système de santé soit accélérée et en échange, le gouvernement allait appeler le projet de loi 198, a expliqué M. Leduc plus tôt cette semaine.