Les diplômées universitaires plus nombreuses, les doctorants plus souvent des hommes

MONTRÉAL — Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à être titulaires d’un diplôme universitaire, mais leurs homologues masculins obtiennent un doctorat en plus grande proportion, et graduent plus souvent dans un domaine relié aux sciences, dévoile mercredi un rapport de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ). 

Le document de l’Institut, basé sur le recensement de 2021, indique que chez les 25 à 34 ans, 29,3 % des hommes et 42 % des femmes détenaient un grade universitaire. 

Chez les 25 à 64 ans, les femmes représentaient plutôt 56,1 % des personnes ayant un diplôme universitaire en 2021. Cette proportion a d’ailleurs augmenté de 0,8 point de pourcentage, au Québec, de 2016 à 2021. 

«Il est normal, dans le contexte actuel, que les femmes soient plus nombreuses à l’université, tout simplement parce que les hommes sont plus nombreux en formation professionnelle», estime Pierre Doray, professeur au département de sociologie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). 

Il souligne que les programmes techniques ou de formation professionnelle ouvrent des avenues intéressantes pour plusieurs hommes, contrairement à des métiers traditionnellement féminins, qui nécessitent une formation plus longue. 

La socialisation différenciée selon le genre y est aussi pour quelque chose, selon le professeur. «Les filles, à l’école, ont des dispositions qui favorisent davantage leur réussite. À partir du moment où elles ont plus d’intérêt par rapport à l’école, c’est un peu normal que les filles poursuivent leurs études plus longtemps», affirme M. Doray. 

Malgré cette majorité de femmes universitaires, «les hommes demeuraient majoritaires parmi les titulaires d’un doctorat», précise l’ISQ. Chez les diplômés universitaires âgés de 25 à 64 ans, au Québec, 53,6 % des hommes détenaient un doctorat, contre 46,4 % des femmes, en 2021. Toutefois, la majorité des personnes ayant un grade universitaire de premier cycle ou une maîtrise sont des femmes. 

La moins grande proportion de femmes au doctorat s’explique notamment par une conciliation travail, études et famille plus difficile pour elles, selon Marie-Thérèse Chicha, professeure à l’Université de Montréal et titulaire de l’École d’été sur l’immigration, l’intégration et la diversité sur le marché du travail. 

«Une autre hypothèse, c’est que les étudiants hommes, qui sont dans le circuit universitaire, reçoivent probablement plus de mentorat et de parrainage des professeurs, qui les encouragent à aller jusqu’au doctorat, détaille Mme Chicha. Les hommes auraient tendance à aller plus loin dans leurs études parce que la rentabilité – on sait qu’il y a un écart salarial entre les hommes et les femmes – des études serait plus grande pour les hommes que pour les femmes.»

La division traditionnelle des métiers dits masculins ou féminins se fait encore sentir, selon le rapport de l’ISQ. Plus des deux tiers des diplômés ayant obtenu leur plus haut titre scolaire en sciences, en technologie, en ingénierie ou en mathématiques étaient des hommes. Les femmes demeurent fortement majoritaires dans les domaines de l’éducation (78,3 %) et de la santé (77,5 %). 

Les étudiants masculins sont quant à eux grandement représentés dans les programmes d’ingénierie (79,2 %). Ils composent 70 % des groupes dans les cours de mathématiques, d’informatique et de sciences de l’information. Toutefois, un peu plus de la moitié des élèves (52,3 %) sont des femmes dans les programmes de sciences et technologie de la science. 

Pour Marie-Thérèse Chicha, cette division entre les métiers traditionnellement masculins et féminins perdure notamment en raison de «barrières à l’entrée» pour les femmes dans les «métiers d’hommes», et au contraire, la facilité d’accès aux métiers traditionnellement féminins. 

En général, la proportion de la population québécoise détenant un grade universitaire est à la hausse. En 2021, le nombre de diplômés âgés de 25 à 64 ans avait augmenté de 17,1 % depuis 2016. 

50 % des doctorants immigrants ou résidents non permanents

Au Québec, les immigrants et les résidents non permanents représentent 50 % des personnes ayant un doctorat. Ils sont d’ailleurs nombreux à avoir un diplôme universitaire en général: 27,3% des titulaires d’un grade universitaire âgés de 25 à 64 ans étaient des immigrants, alors qu’ils représentent 18,3 % des citoyens au sein de cette tranche d’âge. 

«Les immigrants sont plus scolarisés que la population non immigrante, tant au Québec qu’en Ontario et au Canada dans son ensemble», indique l’ISQ. Les immigrants admis au Québec entre 2016 et 2021 représentent 40,2 % de l’accroissement de la population de diplômés universitaires, lors de cet intervalle. 

Ces données ne sont pas surprenantes pour Paul Eid, professeur au département de sociologie de l’UQAM. «On savait déjà que les immigrants sont surdiplômés par rapport à la population non immigrante», affirme-t-il. 

La principale cause de cette surdiplômation est la grille de sélection des candidats à l’immigration dans la catégorie «travailleurs qualifiés», qui prend en compte le niveau de scolarité et le domaine d’étude, explique M. Eid. 

«Ça ne veut pas dire que ces diplômes-là se traduisent par un emploi en adéquation avec le domaine de formation. Il y a un problème de non-reconnaissance des diplômes acquis à l’étranger», nuance le professeur. 

Il souligne que plusieurs immigrants subissent de la déqualification professionnelle, c’est-à-dire qu’ils occupent un emploi qui requiert une formation inférieure à celle qu’ils ont acquise, ou de la discrimination à l’embauche. 

«Le résultat, c’est qu’ils ont beaucoup de difficulté à trouver un emploi à la hauteur de leurs qualifications, et il y en a beaucoup, donc, qui vont reprendre des études», complétant ainsi une maîtrise ou un doctorat, a évoqué M. Eid, disant que ce facteur peut aussi expliquer la surdiplômation des immigrants au Québec. 

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Cette dépêche a été rédigée avec l’aide financière de la Bourse de Meta et de La Presse Canadienne pour les nouvelles.