Les garçons «parlent» plus que les filles… avant l’âge d’un an

MONTRÉAL — Les petits garçons «parlent» plus que les petites filles pendant leur première année de vie, ont constaté des chercheurs américains, si on calcule le nombre de sons qu’ils émettent et qui seront plus tard remplacés par des mots et des phrases.

Ces conclusions viennent quelque peu bousculer des croyances bien ancrées qui accordent aux filles un avantage par rapport aux garçons au chapitre du langage.

Cela étant dit, précisent les chercheurs de l’Université du Tennessee à Memphis, les filles rattrapent les garçons et les surpassent dès la fin de la deuxième année de vie.

«Cette étude (…) vient peut-être un peu prendre le contre-pied de certains stéréotypes de genre sur les filles bavardes, et ça, c’est peut-être une bonne chose», a dit Marine Le Mené Guigourès, une enseignante du département de linguistique de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) qui s’intéresse notamment à l’acquisition du langage et au développement du langage chez l’enfant.

Les chercheurs américains ont analysé quelque 450 000 heures d’enregistrement effectuées auprès de près de 6000 bébés avec un appareil ayant la taille d’un iPod. L’analyse a été effectuée automatiquement ― une analyse à la main aurait été interminable ― pour compter les sons provenant d’adultes et ceux provenant d’enfants pendant les deux premières années de vie.

Les données montrent que les vocalisations des petits garçons sont 10 % supérieures à celles des petites filles pendant la première année de vie. Les filles renversent ensuite la vapeur et «on retombe sur nos pattes», a dit Mme Le Mené Guigourès: leurs vocalisations surpassent de 7 % celles des garçons vers la fin de la deuxième année.

Ces différences persistaient même si les adultes qui s’occupaient des bébés adressaient davantage de mots aux filles qu’aux garçons.

Cela étant dit, précise la professeure Le Mené Guigourès, il faut s’entendre sur le sens du verbe «parler», puisque les bambins prononcent habituellement leurs premiers mots intelligibles vers l’âge de dix ou douze mois. Avant cela, on parle plus justement de «vocalisations» ou de «babillages».

«Si on veut être très précis, il faudrait dire que les petits garçons émettent des signaux vocaux en plus grand nombre», a-t-elle précisé.

De plus, poursuit-elle, l’analyse informatique utilisée par les auteurs était incapable de distinguer ces signaux vocaux de simples cris, de simples gémissements ou de simples rires.

Ces signaux vocaux s’apparentent au proto-langage de l’enfant, mais on ne peut pas être entièrement certain de la nature de ce qui a été enregistré et quantifié, a prévenu Mme Le Mené Guigourès.

Personne ne comprend vraiment pourquoi les petits garçons sont plus vocaux que les petites filles pendant les premiers mois de leur vie. Les auteurs américains y voient un avantage évolutif : puisque les petits garçons sont légèrement plus à risque de mourir que les petites filles pendant la première année, disent-ils, il pourrait être à leur avantage de se faire entendre pour attirer l’attention des adultes et démontrer qu’ils sont vigoureux et en bonne santé.

«Je trouve ça un peu discutable, a admis Mme Le Mené Guigourès. Ça peut être une voie à explorer, mais de façon évidente il faut en explorer d’autres.»

Cette étude se distingue de par sa contribution unique à la littérature scientifique, conclut-elle. Il serait maintenant intéressant de la compléter en y ajoutant des données comme le rang dans la fratrie du bébé, le milieu socio-économique de ses parents ou le mode de garde de l’enfant, qui sont tous des facteurs très influents dans l’acquisition et le développement du langage.

Les conclusions de cette étude ont été dévoilées par iScience.