Logement: le sous-financement fédéral provoque des frustrations chez les Autochtones

OTTAWA — La crise du logement, qui est devenue un enjeu important sur la scène politique fédérale, est un sujet bien connu et une grande source de frustration chez les Premières Nations.

Stefania Giesbrecht, une mère de trois enfants, qui est sur une liste d’attente depuis neuf ans pour obtenir un logement au sein de la communauté de Saugeen, blâme le gouvernement fédéral.

«Quand le gouvernement canadien a l’intention d’assimiler les peuples autochtones dans le corps politique, il ne compte pas procurer des logements pour une plus grande population», lance-t-elle.

Pourtant, le gouvernement de Justin Trudeau vante souvent les investissements fédéraux dans le logement au sein des Premières Nations. Et les attentes étaient grandes lors de l’entente entre les libéraux et les néo-démocrates qui mentionnait la nécessité d’un «investissement supplémentaire important dans le logement autochtone en 2022».

Selon l’Assemblée des Premières Nations (APN), les besoins actuels en logements sur les territoires nécessiteraient des investissements de 44 milliards $. Il faudrait ajouter 16 milliards $ supplémentaires pour tenir compte de la croissance de la population d’ici 2040. 

En 2022, le budget fédéral prévoyait des investissements de 4 milliards $ au cours des sept prochaines années pour construire et rénover des logements dans des communautés autochtones, dont 2,4 milliards $ sur cinq ans au sein des Premières Nations

Toutefois, les besoins demeurent criants.

Par exemple: même si seulement quelques milliers de personnes vivent sur le territoire des Premières Nations de Peguis, au nord de Winnipeg, il y manque 800 logements.

Le chef Stan Bird dit que les familles doivent vivre dans des logements surpeuplés. Selon lui, la situation est en train de s’aggraver. Il parle entre autres d’une famille dont les 11 membres doivent vivre dans une maison ne comptant que trois chambres. Deux d’entre eux souffrent d’une maladie chronique.

«Nous vivons une crise du logement, affirme-t-il. Nous y sommes plongés depuis plusieurs années.»

M. Bird se demande comment les immeubles existants peuvent être rénovés structurellement afin d’éviter la moisissure. Ce phénomène s’est accru à cause des inondations qui ont frappé la communauté.

«Les gens sont fatigués. Je suis fatigué, souligne le chef autochtone. La colère des gens grandit.»

Cindy Woodhouse, la cheffe régionale du Manitoba de l’APN, rappelle que le sous-financement des dernières décennies a provoqué la crise du logement dans les territoires des Premières Nations. Le groupe de pression espère combler ce retard d’ici 2030.

L’APN collabore actuellement avec le gouvernement fédéral pour mettre sur œuvre une stratégie nationale pour le logement et les infrastructures nécessaires au sein des Premières Nations. En août, le coût pour ajuster les logements et les infrastructures aux normes canadiennes dépasse les 342 milliards $. 

Ce chiffre risque de monter encore si on ne s’occupe pas immédiatement du problème. La solution ne passe pas uniquement par une hausse des chantiers.

Dans certains cas, il faudrait étendre le territoire des réserves afin de pouvoir y construire plus de logements.

«Nous ne voulons rien de plus que les autres Canadiens veulent, dit Mme Woodhouse. Nous voulons de la bonne eau, un bon logement, un logement sûr. Et nous ne voulons pas être entassés à 30 dans une maison.»

En juin, le gouvernement fédéral a annoncé un financement immédiat de 287,1 millions $ pour répondre au «besoin critique» de projets de logement sûrs et abordables pour les Autochtones en milieu urbain, rural et nordique.

Selon la députée de Nunavut, la néo-démocrate Lori Idlout, ce montant ne représente qu’une goutte d’eau dans l’océan.

«La somme que nous avons pu obtenir par l’entremise de l’entente avec les libéraux, même si elle n’était pas suffisante, était supérieure aux investissements réalisés au cours des dernières années. Alors, nous savons que les besoins sont supérieurs à ce qui a été investi.»

Mme Idlout souligne qu’en raison des piètres conditions de logement dans les réserves, plusieurs personnes préfèrent s’installer dans les centres urbains. Et parmi elles, plusieurs deviennent des sans-abris.

Elle espère que le gouvernement fédéral reconnaisse les besoins pour les autres infrastructures.

«Plusieurs communautés demandent des refuges, elles demandent des maisons de transition. Elles demandent des centres de traitement, des centres de réadaptation, des centres de bien-être. Cela fait partie des solutions qui sont réclamées par les peuples autochtones depuis des années.»