Métro Média: Mulé espère une solution, mais n’y croit pas trop

MONTRÉAL — Une semaine après avoir annoncé «la suspension immédiate des activités de Métro, de tous (ses) journaux et de (ses) sites Web communautaires», le président-directeur général de Métro Média, Andrew Mulé, espère toujours une aide de dernière minute pour relancer les activités de l’entreprise.

«C’est arrivé tellement vite. On ne sait pas. On attend, on ne sait pas exactement quelles sont les prochaines étapes. On prend ça une journée à la fois», confie l’homme d’affaires en entrevue avec La Presse Canadienne, samedi matin.

Face à un manque de liquidités, en plein cœur de son virage numérique et alors qu’elle entamait sa mutation en coopérative pour assurer sa survie, l’entreprise, qui chapeautait plus d’une vingtaine de journaux hyperlocaux à Québec et à Montréal, a été forcée d’arrêter de publier. 

Environ 70 personnes, dont une trentaine de journalistes, sont depuis sans emploi. «On avait déjà réduit de 106 (employés) à 70 pour essayer de survivre à la crise de revenus et essayer de passer à travers», confie M. Mulé.

Celui-ci a indiqué sur X (anciennement Twitter) avoir cessé de se verser un salaire en mars dernier, ce qu’il a répété en entrevue. «Le plus important, c’était de (soutenir) la mission éditoriale de l’entreprise, parce que si on n’a pas ça, on n’a rien», soutient l’entrepreneur.

«Ce n’est pas vrai que je suis plus important que ma salle de rédaction, je ne l’ai jamais été: c’est là le cœur de l’entreprise», renchérit-il.

Vendredi, le Journal de Montréal a rapporté que le fondateur de Métro Média, Michael Raffoul, s’était versé un dividende de 2,57 millions $ en août 2021, soit quelques mois avant que le début des déboires financiers de l’entreprise. M. Raffoul avait racheté les journaux  de Transcontinental en 2018 pour former Métro Média.

«Ça a été fait quand il y avait beaucoup d’argent dans l’industrie, explique M. Mulé. On n’avait aucune raison, à ce moment-là, de penser qu’on allait perdre 80% de nos revenus. L’ancien actionnaire était un distributeur de nos journaux, il nous donnait ses services, alors c’était une façon de (se repayer).»

Andrew Mulé soutient qu’à ce moment-là, il n’était pas encore actionnaire de Métro Média. «Je ne faisais pas partie des propriétaires, cette décision n’était pas la mienne; je n’avais aucun (pouvoir) sur cette décision à ce moment-là», dit-il, ajoutant que le versement du dividende a eu lieu dans le cadre «d’une restructuration qui nécessitait un changement d’actionnaire».

Un article du Grenier aux Nouvelles indique que M. Mulé est devenu président-directeur général de la compagnie en mai 2021. M. Raffoul était alors devenu président du conseil d’administration.

M. Raffoul est encore inscrit comme le principal actionnaire de Métro Média au Registre des entreprises du Québec.

Interrogé à savoir si la décision de M­. Raffoul de se rembourser quelques mois plus tôt a pu décourager certains investisseurs de soutenir financièrement l’entreprise par la suite, M. Mulé admet que «c’est une excellente question».

«Mike (Raffoul) était prêt à redonner (de l’argent) à l’entreprise, mais dans un deal structuré, avec l’intervention (d’autres investisseurs)», mentionne M. Mulé, qui au cours des derniers mois, a cogné à de nombreuses portes pour obtenir du financement, notamment au ministère de la Culture et des Communications, Investissement Québec, la SODEC et le ministère de l’Économie.

M. Mulé pointe toujours du doigt la Ville de Montréal comme étant la principale responsable de la chute de l’entreprise, ayant d’une part sonné le glas du Publisac, principal véhicule des hebdomadaires de Métro, et d’autre part refusé de soutenir financièrement l’entreprise de presse en conséquence.

«On n’avait même pas (un défenseur) qui travaillait pour nous à l’intérieur de la Ville elle-même», déplore M. Mulé, qui a présidé à la fin 2021 un comité aviseur sur les journaux locaux mis sur pied par l’administration municipale.

Vendredi, le Parti libéral du Québec a réclamé une aide d’urgence du gouvernement pour sauver le groupe de presse, comme il l’avait fait en 2019 pour éviter la faillite des journaux de Groupe Capitales Médias.

La porte-parole de l’opposition en matière de culture et de communications, Michelle Setlakwe, estime qu’un million de dollars seraient «une somme suffisante pour permettre à Métro Média de compléter sa transition numérique qui est déjà bien entamée ».

Andrew Mulé souhaite encore que son appel à l’aide soit entendu. «On a vraiment pris un virage numérique important. On a vraiment investi dans cet avenir, parce qu’on y croyait. Mais on était encore au rez-de-chaussée. Si on nous avait donné un peu de financement, on aurait monté un étage à la fois», dit-il.

Pour les années 2020-2021 et 2021-2022, le ministère de la Culture et des Communications a versé des subventions de 393 575$ et 348 845$ à Métro Média dans le cadre de son Programme d’aide à l’adaptation numérique des entreprises de presse d’information écrite, a appris La Presse Canadienne. En 2022-2023, la compagnie a touché 394 821 en vertu du même programme; pour 2023-2024, la somme prévue était de 313 276$.