Réduire les émissions de méthane, moins cher que de payer des taxes sur le carbone

De nouvelles recherches utilisant les derniers chiffres sur les émissions de méthane du Canada concluent qu’il serait beaucoup moins coûteux pour l’industrie de l’énergie d’atteindre ses objectifs de réduction du puissant gaz à effet de serre que de payer des taxes sur le carbone.

«L’objectif du gouvernement fédéral de 75 % de réduction est réalisable», a déclaré Kris Chapman de Dunsky Énergie + Climat, un cabinet-conseil montréalais embauché par le groupe environnemental Environmental Defense Fund.

M. Chapman a déclaré que l’industrie pétrolière et gazière du Canada pourrait atteindre l’objectif d’Ottawa d’une réduction de 75 % des émissions de méthane d’ici 2030 pour l’équivalent d’environ 11 $ par tonne de carbone. La taxe fédérale actuelle sur le carbone est de 65 $ la tonne, bien que le méthane soit à l’abri de cette taxe en vertu de certains régimes provinciaux sur les changements climatiques.

Ces calculs sont basés sur des études récentes qui suggèrent que les chiffres officiels de rejet de méthane sont des sous-estimations importantes. Une série d’articles publiés a conclu que les rejets de méthane répertoriés par le gouvernement fédéral à partir des rapports de l’industrie sont beaucoup trop faibles.

Ces préoccupations trouvent un écho dans un rapport publié cette année par le Bureau du vérificateur général.

«Plusieurs études scientifiques canadiennes suggèrent que les émissions totales sont sous-déclarées dans l’inventaire national et que la répartition des émissions est probablement inexacte», indique ce rapport.

M. Chapman a indiqué que le document produit par sa firme multiplie les émissions de méthane dans l’inventaire national du Canada par 1,7 pour obtenir une estimation plus probable de ce qui est réellement rejeté dans l’atmosphère.

L’estimation des coûts de Dunsky Énergie + Climat se rapproche de celle de l’Agence internationale de l’énergie. Plus tôt cette année, l’organisme a estimé que du méthane équivalant à environ 30 000 tonnes de carbone pourrait être éliminé du champ pétrolier canadien – à peu près ce qu’il faudrait pour atteindre l’objectif fédéral – pour 13 $ la tonne ou moins.

De plus, l’Institut Pembina, un groupe de réflexion sur l’énergie propre établi en Alberta, a publié un rapport de 2021 concluant que le Canada pourrait réduire les émissions de méthane de 80 % par rapport aux niveaux de 2012 pour moins de 25 $ la tonne d’équivalent en dioxyde de carbone.

Le document de Dunsky Énergie + Climat intervient alors que le gouvernement fédéral prépare un nouvel ensemble de réglementations pour le méthane, un gaz à effet de serre jusqu’à 30 fois plus puissant que le dioxyde de carbone. Ses conclusions devraient inciter Ottawa à établir des normes strictes, a déclaré Ari Pottens, du Environmental Defense Fund.

«Nous souhaitons que la réglementation soit aussi ambitieuse que l’était le cadre proposé», a-t-il déclaré.

Environmental Defense Fund veut que les règles interdisent l’évacuation et le torchage du méthane des sites pétroliers et gaziers. Il souhaite des inspections régulières et fréquentes pour assurer la conformité et l’interdiction de certains types d’équipements sujets aux fuites.

À la baisse

L’Association canadienne des producteurs pétroliers n’a pas immédiatement répondu à une demande de commentaires sur le rapport de Dunsky Énergie + Climat.

Cependant, l’industrie s’est engagée à réduire les émissions de 45 % d’ici 2025. Le rapport d’étape 2021 de l’Alberta a révélé que les rejets de méthane provenant du pétrole et du gaz ont chuté d’environ 44 % entre 2014 et 2021, bien que ce chiffre soit basé sur des estimations officielles des émissions.

M. Pottens a déclaré qu’il était logique que le gouvernement et l’industrie s’attaquent au méthane.

L’effort est rentable, a-t-il dit, et peut se traduire par un produit plus vendable pour les producteurs de gaz naturel. Mais parce que le méthane affecte si fortement le climat au début, puis s’estompe progressivement, s’y attaquer présente une opportunité.

«Si nous sommes en mesure de réduire les émissions de méthane maintenant, nous gagnons en fait du temps plus tard pour résoudre certains des problèmes climatiques les plus difficiles», a-t-il soulevé.

Note aux lecteurs: Version corrigée. Une version précédente affirmait que l’étude avait été commandée par Environmental Defence. En fait, elle a été commandée par un groupe distinct, le Environmental Defense Fund.