Un projet de loi conservateur soulève des inquiétudes au sujet de l’avortement

OTTAWA — La Coalition pour le droit à l’avortement au Canada estime qu’un projet de loi émanant d’une députée conservatrice pourrait constituer un moyen détourné de promouvoir les droits du foetus.

S’il était adopté, le projet de loi C-311 encouragerait les juges à considérer les blessures physiques ou émotionnelles faites à une victime enceinte comme un «facteur aggravant» lors de la détermination de la peine.

La députée conservatrice Cathay Wagantall, marraine de C-311, s’oppose à l’avortement, mais elle a déclaré que le projet de loi ne visait que la violence contre les femmes enceintes.

Mais plusieurs groupes opposés à l’avortement soulignent que ce projet de loi représenterait un pas en avant, car il reconnaîtrait légalement l’«enfant à naître» dans une affaire de crimes violents, ce qui n’est pas le cas en ce moment.

Le président de l’organisation antiavortement «Campaign Life Coalition», Jeff Gunnarson, espère certainement que ce projet de loi contribuerait à un argument juridique en faveur des droits du foetus et des restrictions à l’avortement à l’avenir, mais il croit que c’est peu probable.

Alors que le projet de loi viserait à protéger un enfant à naître, dans l’utérus, a déclaré M. Gunnarson, il ne le protègerait pas contre l’avortement — seulement contre les crimes violents.

Le chef conservateur, Pierre Poilievre, a déjà affirmé dans le passé qu’il était «pro-choix» et qu’il ne présenterait pas de projet de loi pour limiter les droits à l’avortement au Canada. Son porte-parole a confirmé que le chef avait l’intention de voter en faveur du projet de loi.

«Je pense toujours qu’il ne voterait pas en faveur, pour la simple raison que cela donnerait l’impression aux médias et aux proavortements qu’il penche en quelque sorte vers une position pro-vie», a dit M. Gunnarson.

L’organisme de M. Gunnarson ne serait cependant pas si prompt à sauter à cette conclusion. «Je le crois quand il dit qu’un gouvernement Poilievre n’adoptera ni ne créera aucune législation pour protéger les enfants à naître», a-t-il déclaré.

Selon Joyce Arthur, directrice générale de la Coalition pour le droit à l’avortement au Canada, ces remarques sont révélatrices et alarmantes, car le projet de loi pourrait être utilisé pour établir des restrictions à l’avortement.

Les journalistes ont demandé mardi au lieutenant des conservateurs pour le Québec, Pierre Paul-Hus, si son parti voulait rouvrir le débat sur l’avortement par une manoeuvre détournée.

«Pas du tout (…) Ça n’a rien à voir avec l’avortement, a lancé le député, qui est pro-choix. C’est un projet de loi que j’aurais pu moi-même déposer sans aucun problème.

«C’est la condition de la femme d’être enceinte, tout simplement. C’est vraiment de créer un facteur aggravant de s’attaquer à une femme qui est enceinte (…) au même titre que quelqu’un qui a un handicap.»

La ministre Mélanie Joly a accusé les conservateurs de vouloir «créer une brèche» et de «faire reculer les droits des femmes au pays».

«On l’a vu: ils s’inspirent de ce qui se passe aux États-Unis, ils essaient d’importer ici au Canada certaines des tactiques et des stratégies qui sont mises en place au sud de notre frontière, a soutenu Mme Joly en mêlée de presse. Ils essaient de faire par la porte d’en arrière ce que, essentiellement, les groupes antiavortement veulent faire au pays.»